- Les personnages et leur complexité.
À l’occasion de la sortie poche de Camp Zéro, nous vous livrons un double avis sur ce roman post dérèglement climatique. Traduit et publié en grand format en avril 2023, Camp Zéro de Michelle Min Sterling fait son retour en format poche, toujours aux éditions Bragelonne. Son autrice est née au Canada, en Colombie-Britannique, et vit désormais à Cambridge (Massachusetts), où elle enseigne la littérature et l’écriture créative. Camp Zéro, son premier roman, a déjà été traduit dans une dizaine de langues et sera bientôt adapté à l’écran.
L'histoire
En 2049, alors que l'Amérique du Nord subit des températures intolérables et l'effondrement de l'industrie pétrolière, la société est divisée entre les riches vivant sur une île artificielle appelée la Cité flottante, et les masses continentales luttant pour survivre. Une jeune fille, embauchée comme prostituée dans un club privé de la Cité, cherche un avenir meilleur pour sa mère et elle. Elle déménage alors dans le grand nord canadien, à Camp Zéro, et prend le pseudonyme de Rose. Cette ville anciennement pétrolière est le lieu d’activités suspectes, officiellement pour bâtir une nouvelle cité pour les familles les moins fortunées. Pour Grant, un professeur de littérature en exil, c'est l'occasion de se racheter. Non loin de là, à Blanche Alice, une ancienne station de recherche, des combattantes sont enfermées et cherchent à survivre en repeuplant la base. Camp Zéro se développe alors comme un espoir de renouveau dans un climat encore vivable. Alors que chacun poursuit ses propres objectifs, les désillusions s’enchaînent, les forçant à revenir sur leurs espoirs.
L’avis de Maeghan
Malgré un début difficile, notamment avec l’omniprésence du sexe pour justifier les péripéties (aucune mention n’apparaît nulle part disant que c’est un des sujets principaux du roman !), les ficelles de l’intrigue se font ressentir, présageant un dénouement surprenant. Si le temps de mettre en place les personnages, leurs objectifs, et leurs relations peut paraître long au départ, il permet de donner tous les éléments nécessaires pour cette tempête de twists à partir du premier tiers. Le travail narratif est très appréciable, mais il met de côté l’aspect écologique et post dérèglement climatique qui, à mon sens, aurait dû être beaucoup plus central.
Le traitement des personnages de Blanche Alice est particulièrement réussi. Aucune identité n’est révélée, elles sont appelées par un “nous” collectif qui retranscrit bien leur objectif de recommencer leur vie et leur humanité, sous pseudonyme et en oubliant le passé.
Je ne sais pas si un deuxième tome est prévu, mais à mon goût il est nécessaire !
L’avis du Castor
J’ai bien aimé Camp Zero, un roman qui décrit un futur proche où les catastrophes climatiques ont rendu une grande partie de la planète inhabitable. Le récit se déroule au Canada (sur les terres du Castor), dans un camp isolé servant de refuge pour les survivants. L’autrice y décrit des paysages post-apocalyptiques, rendant l'atmosphère à la fois oppressante et curieusement fascinante. Une petite mention pour les tempêtes et ouragans.
Ce qui m’a le plus séduit dans ce roman, ce sont les personnages et surtout leur complexité. Qu’il soit scientifique, soldat ou civil, chaque personnage apporte une vision unique du monde d’après et de comment y survivre. Mais la principale spécificité de ce roman c’est que l’on découvre l’histoire de chaque personnage au fur et à mesure du récit, pour enfin former une toile narrative riche et malgré tout surprenante. Si le début est assez mou ou que certaines ficelles semblent grosses, l’autrice garde le lecteur en haleine. Ainsi, dès la deuxième moitié du récit, elle glisse avec minutie quelques révélations ou des retournements de situation. Tout comme Maeghan, je pense que ce récit n’est pas fini, et j’aimerais bien avoir la suite de Camp Zéro.
Pour finir, le fond du récit est basé sur le changement climatique et ce qu’il induit d’inégalités sociales ou de luttes pour le pouvoir. Moi qui venais de finir de lire Le Ministère du futur et sa vision « utopiste » des futurs qui s’offrent à nous, ce récit m’a quelque peu ramené les pieds sur terre.