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Critique - Conan le Cimmérien - Xuthal la crépusculaire (Bec, Subic, Brusco): Quand la fantasy d'Howard rencontre Lovecraft

Par Sayozz - Simon
3 minutes 9 mars 2022
Critique - Conan le Cimmérien - Xuthal la crépusculaire (Bec, Subic, Brusco): Quand la fantasy d'Howard rencontre Lovecraft
On a aimé
- Un récit nerveux et subtil
- Un style graphique qui tend vers l'horreur ce qui convient parfaitement à l'histoire
- Un récit subtil où les non-dits et silence servent le récit
On n'a pas aimé
- Les visages moins détaillés
- Un dessin qui peut en rebuter quelques-uns

Considéré par certains comme le « brouillon » de son chef-d’oeuvre « Les Clous Rouges » publié à titre posthume (et adapté/chroniqué dans la collection de Glénat), « Xuthal la crépusculaire » est une nouvelle de « alimentaire » que Howard a écrit pour être sûr d’être publié et de faire rentrer de l’argent rapidement dans le climat de crise économique de son pays. L’histoire aligne ainsi un certain nombre de cliché que le quidam a en tête quand on lui évoque le nom de Conan le barbare, avec son lot de demoiselles en détresse court vêtues, de monstre à occire, mais pas que…

Notre podcast qui évoque justement ces nouvelles "alimentaires" et la vie de l'auteur

Fuyant la déroute de son armée, le Cimmérien et Natala progressent à travers le désert sous un soleil de plomb dans l’espoir d’atteindre une oasis pour échapper à la mort. Le chameau qui les portait a depuis longtemps succombé et leurs maigres réserves d’eau sont désormais épuisées, les livrant à une mort certaine. Alors qu’il s’apprête à achever sa compagne d’un coup d’épée pour lui éviter l’horreur d’une lente agonie sous le soleil meurtrier, Conan aperçoit au loin une cité ou se réfugier: Xuthal. En poussant la porte de la forteresse, le couple trouve un homme gisant sans vie sur le sol, mais qui les attaquera sauvagement quelques minutes plus tard avant de succomber par l’épée du cimmérien. Ce premier étrange danger n’est rien en comparaison du piège qui se tapit dans les murs de la cité maudite de Xuthal.

Comme dit plus haut, le récit original d’Howard a été écrit dans le but d’être publié plus facilement et il se trouve que les histoires contenant leur lot de personnages féminins dévêtus faisaient vendre. L’auteur texan donne ainsi à son récit une atmosphère et un sous-texte érotique à peine voilé, quitte à tomber dans le cliché à travers une scène de torture à l’aide d’un fouet. On notera cependant le renversement de situation quant au personnage de Natala au fur et à mesure de l’histoire qui passe d’esclave soumise, faire-valoir de notre barbare préféré, à une femme forte et guerrière qui sauvera le Cimmérien d’une mort certaine.

L’autre élément à retenir de l’histoire est son caractère lovecraftien et l’étrange dieu Thog qui se cache dans les souterrains de la cité. On sait que Howard et Lovecraft entretenaient une correspondance soutenue et cet élément du récit est un hommage à peine voilé et réussi, auquel le trait de Stevan Subic convient parfaitement.

L’illustrateur serbe (M.O.R.I.A.R.T.Y, Tarzan, L’Ombre d’antan…) et son style nerveux et noir confèrent à l’exploration de la cité de Xuthal une dimension horrifique qui convient parfaitement au récit. La menace latente qui se cache dans la forteresse évolue à travers les vastes aplats de noirs du dessinateur. On pense à Alien tant certaines cases suggèrent une mort imminente tapie dans l’étrange architecture des lieux. Un style qui se termine en apothéose lors de l’affrontement final avec le dieu Thog dans les souterrains. N’ayant pas lu le récit original je ne sais pas comment Howard traitait exactement les descriptions de Thog, mais le dessin de Subic confère au monstre une dimension Lovecraftienne parfaitement maitrisée en rendant la chose à la fois tangible et vaporeuse. Marvel avait déjà publié sa version de la nouvelle avec une équipe « all-star » composée de Roy Thomas, John Buscema et Alfredo Alcala à l’encrage mais le traitement de la menace finale tendait plus vers un crapaud gigantesque avec des tentacules, la rendant beaucoup moins effrayant, car trop classique.

Christophe Bec signe un scénario haletant tant les menaces et coups de théâtre s’enchainent au fur et à mesure des cases. Il arrive à ne pas somber dans la facilité d’un érotisme frontal ou d’une horreur gore gratuite, mais reste dans des non-dits lourds de sens.

Il est également important de relever le travail documentaire dont chaque volume de la série a fait l’objet avec l’article explicatif qui conclut les ouvrages. Les connaissances ultra pointues de Patrice Louinet apportent à chaque fois un éclairage nouveau sur le récit illustré qui permettent de mieux comprendre les conditions d’écriture des nouvelles et leur répercutions dans la mythologie du barbare cimmérien.

On apprend ainsi que « Xuthal la crepusculaire » est la première nouvelle que le grand Frazetta a décidé d’illustrer pour créer sa première couverture de Conan. Cette couverture iconique qui façonna à jamais l’image du barbare bodybuildé et la demoiselle en détresse se trainant à ses pieds a marqué la pop-culture. Or, l’artiste s’est simplement contenté de dessiner ce que la nouvelle « alimentaire » décrivait dans ses premières lignes avec toutes les facilités d’écriture que Howard y avait mis pour être sûr de se faire publier… Et si Frazetta avait choisi une autre nouvelle à illustrer en premier, l’image d’Epinal du barbare dans l’imaginaire populaire aurait-elle été différente, et surtout aurait-elle été plus ou moins fidèle de l’idée qu’Howard se faisait de son personnage ? La question reste ouverte…

Au final Xuthal la crépusculaire est un très bon opus de la série publiée par Glénat, pour ceux qui aiment les aventures du Cimmérien teintées d’horreur. Le dessin de Stevan Subic rend hommage au texte d’Howard et son traitement du barbare apporte sa pierre à l’édifice car même s'il dessine un Cimmérien musculeux, il arrive à tirer son épingle du jeu du chara-design par con coté sombre et encapuchonné. Une belle découverte ! 

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