- La mélancolie dans certaines scènes touchantes
Il y avait toujours tellement à faire. Une sorcière tirée du lit devait enfourcher son balai en pleine nuit sous la pluie à cause d'un "Je voulais juste" et de ses petits copains "Je savais pas" et "C'est pas ma faute"
Malgré la maladie, Terry Pratchett n’a jamais cessé d’écrire. Son décès a laissé un grand vide dans le monde de la fantasy. Ses Annales du Disque-monde ont bercé de nombreux lecteurs avides de découvrir son humour sur ce Disque-Monde reposant sur le dos de 4 éléphants, eux-mêmes sur la carapace d’une tortue géante. La Couronne du berger est son dernier roman au cœur du Disque-Monde. Il clôture les aventures de la jeune sorcière intrépide Tiphaine Patraque !
Le cycle de Tiphaine Patraque regroupe 5 histoires du Disque-Monde mais chacune peut être lue indépendamment ! Dans celui-ci, les fans y trouveront des références aux autres cycles mais cela ne gênera absolument pas la lecture et la compréhension de l’histoire. On saisit rapidement les enjeux : Tiphaine vient de perdre son mentor, la grande sorcière Mémé Ciredutemps, et doit maintenant être la cheffe de toute la clique de sorcières, tout en devant repousser une invasion d’elfes vils et sournois !
Ses nouvelles responsabilités suscitent fierté chez les uns et haine chez les autres. Le récit est touchant à bien des égards. Tiphaine qui, en quête de légitimité et de repères, se plie en quatre pour se faire accepter. Elle est bien obligée de grandir et en cela ce tome est un roman d’apprentissage à lui tout seul. Par ailleurs, on ressent toute la tendresse qu’ont pu ressentir tous les personnages à l’égard de Mémé Ciredutemps et à quel point l’univers et les héros en sont bouleversés.
Que dire du style de ce monstre de la fantasy qu’est Terry Pratchett ? Roi de l’image, il nous fait vivre comme si on y était les situations absurdes dans lesquels se placent les héros. A l’égal de Jack Vance, il nous dresse des petits rites et nous brosse des histoires qui appellent l’imagination… En ce sens, les notes de bas de page de l’auteur/narrateur prolongent les blagues et dévoilent une autre facette de l’univers. Que demander de plus ? Plus de Nac Mac Feegle !
En plus du personnage de Tiphaine, que j’ai particulièrement apprécié, les Nac Mac Feegle et une elfe m’ont fortement marqué à la lecture. Avec la traduction de Patrick Couton, les Nac Mac Feegle sont des petits hommes bleus bagarreurs et fidèles, à l’accent ch’ti et un brin irlandais ! Ils se placet toujours dans des situations délirantes et ont des discours de grands guerriers alors qu’ils ne sont pas plus haut que 3 pommes (littéralement !). Ils sont les « mascottes » de Tiphaine et sont la touche humour lourdingue. L’elfe, quant à elle, a été rejetée par son espèce et est obligée de vivre avec les humains qu’elle déteste. Terry Pratchett adore traiter les choses sérieuses avec légèreté et, ici, c’est bien le racisme qui est évoqué en sous-main. Cette elfe doit apprendre à découvrir l’humanité et, à sa manière, l’auteur nous livre un brin de philosophie du quotidien, et ce, toujours avec finesse et bienveillance.
Petit mot également pour ses retraités qui rejoignent les sorcières dans leur lutte contre les elfes, qui, pour une dernière fois, ont envie de gloire avant que l’âge et la maladie ne les rattrapent. Comme l’auteur, ils avaient envie de briller une dernière fois et c’est chose faite avec ce roman qui conclut magnifiquement cette saga monumentale qu’est le Disque-Monde. Avec une plume légère et immersive, Terry Pratchett nous offre ici un roman palpitant et touchant avec une pointe de mélancholie.
Où le trouver (en grand format)
Crédit Illustrateur : Marc Simonetti