Suite au premier très bon tome de la saga des Maîtres enlumineurs de Robert Bennett, le défi de continuer dans la même lancée avec un deuxième tome n’était pas évident à relever. Après une ellipse de trois ans dans la narration, Le retour du Hiérophante fera-t-il honneur au premier tome ? Paru la même année que ce dernier aux éditions Albin Michel, le deuxième roman promet une intrigue plus complexe et plonge dans les tréfonds des enluminures.
L'histoire
Trois ans après la chute d’une des quatre maisons marchandes, Tevanne a définitivement changé : la cité voit émerger de nombreuses petites maisons marchandes provenant du peuple et l’art des enluminures se démocratise. Craignant pour leur position dominante, les trois maisons marchandes originelles se dressent contre Sancia et les Interfonderies pour écraser l’idéal qu’ils représentent. Cependant, le désir de toute-puissance d’une des maisons n’a pas disparu, et alors que tous les artefacts sont réunis, un hiérophante revoit le jour.
Les dangers surgissant de toute part, Sancia et ses collaborateurs ne savent plus où donner de la tête et à qui faire confiance. Comment se sortir de cette situation inextricablement vouée à la destruction pure et simple de Tevanne ? Comment berner grâce aux enluminures la personne même qui a créé les plus puissants artefacts au monde ?
Une aventure plus lointaine dans les enluminures et dans les personnages
Le premier tome nous promettait déjà une chose : l’exploitation des enluminures n’a pas fini de nous impressionner. Et en effet, Robert Bennett nous présente de toutes autres facettes de son système de magie déjà très bien développé. Si l’effet de surprise en découvrant les enluminures est passé, la curiosité est toujours présente face à toute l’ingéniosité dont a dû faire preuve l’auteur pour poursuivre l’originalité de sa magie. Les limites des enluminures sont repoussées encore plus loin, notamment lors du jumelage entre Sancia et Berenice. Leur esprit fusionné, une toute autre dimension du roman s’ouvre à nous avec son lot de potentiel complètement renouvelé. De nombreuses possibilités sont débloquées et une portée philosophique très intéressante est abordée, enrichissant encore cet univers déjà si complexe.
De plus, une des plus grandes réussites de ce deuxième tome est le sort réservé aux personnages. Les retournements de situation les mettent presque constamment en danger, déjouant leurs plans ou demandant des sacrifices de leur part. Ils subissent leur lot de désillusions, les rendant encore plus attachants. Sans en faire trop ni trop peu, l’auteur parvient à installer cette ambiance angoissante où le lecteur ne peut deviner à l’avance ce qu’il adviendra des personnages.
Trop de mystères tue le mystère
S’il était compliqué de trouver un défaut au premier tome, il est beaucoup plus aisé d’en trouver avec ce second roman, peut-être à cause de nos attentes trop haut placées en tant que lecteur. Pour conserver l'effet wow, un auteur peut choisir d’ajouter une couche à la complexité de l’intrigue ou de l’univers et Robert Bennett a fait le choix de complexifier ces deux pans de son histoire. Ainsi, les enluminures sont poussées à leur paroxysme, demandant des sacrifices humains pour fonctionner alors qu’auparavant, seules des instructions permettaient de faire fonctionner un objet selon sa volonté. Les enluminures prennent alors une dimension plus mystique, moins scientifique comme se le voulait le premier tome, changement qui plaît ou qui ne plaît pas.
L’intrigue également se complexifie en apportant beaucoup de mystères d’un coup. Un hiérophante nommé Crasedes revient à la vie au début de l’intrigue mais qu’est-ce que réellement un hiérophante ? Quelles sont ses aptitudes ? Pourquoi est-il si puissant ? Et quel est le rapport entre lui et Valeria, une entité encore plus mystérieuse qui semble manipuler Sancia pour ses propres fins ? A qui faire confiance entre Valeria et Crasedes ? Tant de questions dont il n’est pas aisé de fournir une réponse claire. A la fin de l’intrigue, nos personnages se retrouvent dans une situation similaire au début : ils ne savent pas à qui faire confiance et essaient de survivre pour bâtir un avenir meilleur, les nombreuses péripéties leur ayant au moins appris à quelles difficultés ils font face.
Pour résumer, ce second tome est plus ambitieux que le premier et avance des retournements de situation très prometteurs. Robert Bennett réussit également à renouveler son système de magie pour lui redonner de l’éclat, donnant envie encore et encore de savoir ce qu’il va advenir de ses personnages.
