Critiques

Les Maîtres Enlumineurs T3 : La conclusion parfaite d'une saga incroyable ?

Par Alex Moon
8 min 30 juillet 2023
Les Maîtres Enlumineurs T3 : La conclusion parfaite d'une saga incroyable ?
On a aimé
- De vrais moments d'émotion à vous tirer les larmes.
- Un récit parfaitement maîtrisé du début à la fin.
- Vous pensiez les bases de l'enluminure parfaitement établie ? Elles arriveront pourtant à vous surprendre encore !
On n'a pas aimé
- Un livre tellement prenant que vous risquez de ne pas voir le temps passer et arriver en retard à vos rendez-vous tant vous serez plongé dedans. Je ne vois que ça !

Dans le premier tome des Maîtres Enlumineurs, Robert Jackson Bennett nous invitait à découvrir la cité de Tevanne et surtout, à appréhender son système de magie : l’Enluminure, qu’il a conçu en s’inspirant des règles de l’informatique.

 

Grâce à la cohérence de son univers et à des personnages particulièrement réalistes, l’auteur nous à permi d’accompagner Sancia Grado. Au départ simple voleuse dotée d’un don incroyable pour “entendre” les enluminures, sa rencontre avec Clef, Gregor, Orso et surtout Bérénice, va la changer à jamais et bouleverser le destin de la cité.
Si vous êtes ici, c’est que vous avez lu et apprécié les deux premiers tomes des Maîtres Enlumineurs, alors préparez vous à quitter Tevanne pour découvrir : Les Terres Closes.

L’histoire

Huit ans se sont écoulés depuis Le Retour du Hiérophante, le tome 2 des Maîtres Enlumineurs. Après avoir lâché sur le monde une menace plus grande encore que Crasedes Magnus, Sancia, Bérénice et Clef ont fui la ville pour se réfugier sur la flotte de Polina et tenter de combattre l’entité maléfique qui portait autrefois le nom de Valeria. Cette dernière, qui se fait désormais appeler Tevanne comme la cité qui l’a vu renaître, à déjà conquis la moitié du monde, soumettant objets et humains à sa volonté.

 

Une guerre qui semble perdue d’avance, à moins qu’un ancien ennemi ne décide de leur prêter main forte pour percer le mystère de l’origine des enluminures.
Avec en filigrane, la quête de la Porte de la création. Celle que recherche leur implacable  adversaire afin de réécrire le monde selon ses souhaits et qui pourrait aussi receler la solution pour sauver tout le monde.

Pour la première fois, Robert Jackson Bennett nous fait quitter les communes et les campos afin d’explorer cités, bastions et ruines ancestrales. Les secrets qui s’y trouvent et les découvertes qui en découlent ébranleront les certitudes des personnages autant qu’elles resserreront leurs liens.

Les maîtres au sommet de leur art

La magie des enluminures incarne la brillante réussite de l’auteur à transposer dans un univers de fantasy des problématiques typiques de la science-fiction. Si les premiers romans ont permis d’aborder des sujets comme les logiciels libres, l’intelligence artificielle, la cybersécurité ou le transhumanisme, ce troisième tome permet à la science de l’enluminure de servir des thèmes liés à la politique, la démocratie et la société.


Car pour combattre un ennemi tel que Tevanne, qui n’hésite pas à utiliser des êtres vivants comme support pour ses sceaux d'enluminures, il faut soit se montrer aussi cruel, soit réussir à transcender l’humain. Sancia, Clef, Bérénice et les survivants qui les accompagnent conçoivent donc Giva, une société où l’enluminure, au lieu d’asservir les corps et les esprits, permet la libération, la compréhension et la collaboration de tous ceux qui la composent. Mettant en scène avec brio le vieil adage qui dit que l’union fait la force.

 

Comme s’il portait lui aussi les sceaux enluminés qui permettent aux héros de communiquer et de ressentir ce qu’ils éprouvent les uns et les autres, le lecteur retient son souffle, s’attendrit et souffre, au fil des péripéties qui se déroulent page après page.

Le pouvoir et la cruauté sont faciles, si notre méthode demande une tonne de boulot, c’est qu’on fait ce qui est juste.

Jamais depuis Fullmetal Alchemist une histoire ne m'avait paru à la fois si puissante et si dramatique. D’ailleurs, si l’on cherche d’autres liens entre Les Terres Closes et le manga d’Hiromu Arakawa, on peut aussi évoquer ces chapitres où Clef est placé dans une Lorica de métal, telle une armure intégrale. Comment ne pas penser à Alphonse Elric, qui est lui aussi une âme dans une armure vide ?


Il y a aussi le thème de la porte, un objet qui dans les deux œuvres fait office de pont entre la réalité et ce qui se trouve au-delà, et revêt une importance capitale pour les héros. Impossible de ne pas voir également, entre l’alchimie des deux frères Elric et l'enluminure, de nombreux points communs. Pour réussir à modifier la réalité, l’enluminure exige elle aussi un sacrifice, sous forme de portion de vie humaine.


Là où l’enluminure surpasse l’alchimie c’est bien dans la cohérence de son fonctionnement et ses règles parfaitement établies, qui contribuent à nous émerveiller autant qu’à nous faire réfléchir.

Une aventure à la fois grandiose et touchante

Si l’écriture de ce tome 3 a pris une année supplémentaire à Robert Jackson Bennett, ce n’est pas uniquement à cause d’une certaine pandémie, mais bien car il s’en dégage une grande maturation.


A la fois bien plus haletant, avec ses héros toujours sous tension face à la menace qui les guette, mais aussi beaucoup plus intimiste quand il explore les failles et les grandes peurs de ses personnages, le roman est vaste, profond, puissant. 

 

Dans l’air du temps, il se veut également inclusif, notamment grâce aux personnages des Cadences qui sont genrées “iel”. Une évidence puisqu’iels sont un amalgame de plusieurs esprits. Bien loin d’en faire des caricatures, les Cadences, comme tous les personnages, ne sont jamais unilatéraux. Bons ou mauvais, les protagonistes sont le fruit de leur vécu, de leurs expériences, preuve supplémentaire d’une écriture magistrale.

 

Il faut également rappeler que si Les Maîtres Enlumineurs est une saga qui a toujours abordé, en toile de fond, les grandes questions sur la vie et la mort, elles sont centrales dans ce tome 3. Notamment grâce à Clef et la grande introspection qu’il va vivre, mais aussi avec des interrogations déjà amenées dans le Retour du Hiérophante :  Un esprit sans corps est-il toujours en vie ? Qu’est-ce que la conscience ? Qu’y a-t-il à la fin ? Au commencement ? Au-delà ? Les interrogations des personnages font écho aux nôtres.

Le mot de la fin

 

Les Terres Closes est un roman qui nous fait ressentir, pas seulement parce que sa trame évoque la communication, la compréhension et même la communion, mais parce que l’écriture de Jackson Bennett a ce pouvoir de faire naître chez son lecteur l’empathie la plus sincère, pour tous ses personnages. Bons ou mauvais, humains ou non.

 

Quoi d’autre qu’un exceptionnel talent d’écriture pour nous faire ressentir des sentiments aussi forts que ceux-là ?

 

Les Terres Closes, dernier tome d’une saga d’exception, à découvrir chez Albin Michel, par ici !