1.
| Le Mandala de Feu
Eve Renard
Connaissez-vous Tōhaku Hasegawa ? Né en 1539, cet artiste japonais a marqué son ère avec ses peintures bouddhistes. Dans ce seinen, Chie Shimomoto retrace la vie de ce peintre légendaire, de l’homme qui cherche encore l’inspiration jusqu’à l’icône à l’apogée de sa carrière.
Très documenté et reproduisant de nombreux modèles d’œuvres existantes, ce manga nous présente Tōhaku Hasegawa comme un homme à la fois déluré, ambitieux et tourmenté par les drames qui jalonnent sa vie. Entre moments d’humour, de tendresse et de souffrance, nous faisons la rencontre d’autres personnages historiques comme le peintre concurrent Eitoku Kanō, le maître du thé Sen no Rikyū, ou encore le fils de Tōhaku, Kyūzō Hasegawa.
Ce récit biographique est empreint de beaucoup de poésie, dans le texte comme dans le dessin, qui rend magnifiquement hommage à Tōhaku Hasegawa. Si vous vous intéressez à l’art et à l’histoire du Japon, ce manga vous plaira certainement !
2.
| Tout au bout du quartier
Eve Renard
Tout au bout du quartier, c’est un recueil d’histoires courtes qui compile de nombreux mangas dessinés par Pump Sawae. Au programme : humour, tranches de vie, un brin d’imaginaire et beaucoup de bizarreries sorties de l’esprit créatif du mangaka. Des postfaces de l’auteur sur ses mangas agrémentent d’ailleurs l’ouvrage.
Pump Sawae a le don de savoir jouer avec tous les codes et tous les styles graphiques. Tantôt minimaliste, tantôt généreux en coups de crayons, le trait du mangaka nous fait naviguer d’un genre à l’autre, d’un personnage à l’autre. Au fil de ces pages, vous rencontrerez une épouse qui préfère vivre nue chez elle, une adolescente fan de base-ball venue du futur, une fille avec une plante sur la tête, un enfant qui déclare la guerre à son nouveau beau-père… ou encore Pump Sawae, qui se moque gentiment de lui-même et nous livre des anecdotes savoureuses sur sa vie.
Histoires en une ou deux pages, histoires dans le noir, histoires plus longues : il y en a pour tous les gôuts ! Tout au bout du quartier est un recueil à dévorer d’un coup, ou à déguster un peu chaque soir en le laissant sur votre table de chevet, comme vous préférez…
3.
| Nijigahara Holograph, de Inio Asano
Ephyrose
Depuis quelques temps, des papillons lumineux se propagent à travers champs, tels des fragments abandonnés de souvenirs. D'après les légendes, ils représenteraient les âmes des morts qui, venus sur Terre, viendraient annoncer de mauvais présages.
Au fond d'un puits sommeillent des actes innommables, commis en des temps volontairement oubliés : ceux d'une jeunesse naïve et crédule, croyant que sacrifier l'une de leur camarades dans ce puit pourra apaiser le monstre du tunnel Nijihagara, et éviter ainsi la fin du monde.
Et pourtant, son agonie continue, et les actes des jeunes devenus adultes, résonnent avec le passé. Au cœur d'une structure narrative chaotique, c'est au lecteur de comprendre qui est donc le mystérieux meurtrier du tunnel, et ce que signifie ces papillons lumineux qui ne cesse de croître.
Ce mélange entre thriller et fantastique amène une foule de personnages torturés par leur actes passés à différents niveaux, à dévoiler leur intimité au lecteur et à rendre compte des séquelles de ce genre d'acte, dans un équilibre entre pur pessimisme fataliste et acceptation de la dure réalité de l'existence.
Le fantastique n'est ici pas en reste, puisque les barrières entre rêve et réalité se retrouvent explosées au travers d'un vieux conte présent dans le récit : celui d'un homme qui, à son réveil, ne savait s'il était un homme rêvant d'être un papillon, ou bien un papillon rêvant d'être un homme.
C'est alors à Asano de nous donner les clés de compréhension, mais veut-il réellement nous les donner... et les méritons nous ? Ce récit est-il un papillon, ou un homme ?
Nijigahara Holograph est disponible juste ici !
4.
| Goodbye, Eri de Tatsuki Fujimoto
Ephyrose
S'il y a bien deux sujets que Fujimoto affectionne par dessus tout, c'est bien la mort... et le cinéma. Une fascination qui prend ses racines dans Fire Punch, sa première saga et incursion dans la cour des grands, et qui témoignait déjà d'un amour profond et sincère pour le Septième Art, à base de références à la pelle façon Tarantino et d'un sens de la mise en page rappelant clairement les codes du cinéma.
Cette fascination pour la pellicule s'est poursuivit avec Chainsaw Man, au travers de scènes fugaces entre Makima et Denji, mais avec toujours, en axe principal, ce rappel aux codes du cinéma.
Dans le cas de la nouvelle qui nous intéresse, à savoir Goodbye, Eri, les deux thématiques citées plus haut s'entrecroisent pour créer une histoire dont seul Fujimoto en a la recette.
Un deuil familial, censé briser un jeune lycéen, l'amène pourtant à raconter cette traumatisante épreuve au travers d'un film réalisé par ses soins. Ce film, montrant donc le quotidien de sa mère décédée, attire le mépris et l'incompréhension de ses camarades, n'appréciant pas l'idée...sauf une personne. Une jeune lycéenne attire un jour notre protagoniste dans une pièce afin de lui faire regarder des films. Beaucoup de films.
Son nom ? Eri.
La nouvelle axe alors son récit autour de la relation entre ces deux personnages, mais aussi et surtout sur le rapport qu'entretient un artiste avec sa création. Fujimoto fustige qu'un artiste n'est aucunement lié par son public à s'imposer des contraintes, et il a bien raison, le bougre. Mais ce qui fera le sel de Goodbye, Eri, ce sont bien évidemment les effets de transition entre pellicule et réalité, afin de mieux nous perdre dans son histoire.
Rapidement, Fujimoto instille le mystère et brouille les pistes, afin de nous rappeler le rôle premier du cinéma : l'artifice. L'artifice des effets spéciaux et du montage qui nous offre une vision parfois faussée d'une personne ou d'un endroit, mais surtout l'artifice de raconter une histoire par le biais d'une caméra. Car après, qui peut juger de ce qui est vrai ou non par l'intermédiaire de ce média ?
C'est donc bien ce que questionne Goodbye, Eri : cet affrontement entre ce qui est réel et ce qui est filmé.
5.
| Un Homme qui Marche
Ephyrose
Jiro Taniguchi, maître incontesté à la réputation internationale, faisait ses premiers pas en France chez Casterman, en 1993, avec une œuvre au concept des plus simple et épuré : Un Homme Qui Marche.
Le titre annonce la couleur, et donne lieu à une courte œuvre bucolique proposant plusieurs scénettes d'un homme quarantenaire installé dans sa ville. Le propos est lui aussi simple : savoir apprendre à s'arrêter dans sa course effréné, revenir aux plaisirs simples de l'enfance et goûter à l'appréciation des multiples petits rien de l'existence.
Aucune conclusion ni amorce ici, ce qui pourra peut être désintéresser certains, et pourtant : Taniguchi, malgré un thème des plus classiques, parvient à instaurer des moments de poésie humaine d'une efficacité troublante, grâce à un talent de mise en scène propre au maître.
Savourons donc la vie et ses instants, soyons cet Homme Qui Marche !