Si je ne voudrais pas douter des subtilités qui se cachent derrière la guerre civile galactique mise en scène par George Lucas dans le premier Star Wars, quarante ans plus tard, il est facile de qualifier l'Empire de méchants et l'Alliance Rebelle de gentils. Mais comme tout bon univers de fiction, Star Wars doit évoluer. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce ne sont pas les nouveaux films de la saga mais bien la série Rebels qui nous a fourni le plus d'évolutions et de nuances ces dernières années.
On le ressentait une nouvelle fois lundi dernier dans un double épisode au nom évocateur : In The Name of the Rebellion. Depuis ses débuts, et malgré des épisodes de remplissage parfois très enfantins, Star Wars Rebels s'applique en effet à apporter de la nuance au concept de l'Alliance Rebelle, les petits gars qui feront sauter l'Étoile Noire quelques années plus tard. On ne s'en est pas rendu compte tout de suite, mais le show orchestré par Dave Filoni a même transformé le sens de cette organisation, car si son nom sonne toujours aussi bien, il n'a plus tellement la même signification.
Désormais, l'Alliance Rebelle est littéralement une alliance entre des bandes rebelles, qui ne sont pas toujours d'accord entre elles, quand elles ne sont tout simplement pas concurrentes. Vous allez me dire qu'on aurait pu deviner ça il y a quarante ans déjà, ou entre temps grâce à des produits dérivés, mais je ne suis pas sûr qu'il existe une œuvre aussi dense sur le sujet que Rebels. On remarquera d'ailleurs que le titre de la série a lui aussi pris une nouvelle tournure : il désignait sans aucun doute la bande de Kenan par le passé, et évoque désormais la diversité qui existe au sein de l'Alliance.
Un sujet passionnant s'il en est, qui a également été effleuré dans Rogue One l'année dernière. Parmi les déçus du film de Gareth Edwards, nombreux sont d'ailleurs ceux qui trouvent que les dissensions au sein de l'Alliance Rebelle ne sont que survolées. Mais il y a une bonne raison à cela : réécrit plusieurs fois, le spin-off a préféré opté pour une dynamique familiale, là où celle de Rebels a toujours été plus (géo)politique, malgré le caractère enfantin de ses designs.
Par ailleurs, l'aspect feuilletonnant de la série lui permet d'explorer en profondeur les différents types de rebelles, à l'heure où l'Alliance n'en est qu'à ses premiers pas. Et nous n'avons pas besoin de trois saisons complètes pour nous le prouver. A eux seuls, les quatre premiers épisodes de la quatrième saison le montrent suffisamment bien. On nous présente ainsi des Mandaloriens qui souhaitent retrouver leur souveraineté et s'émanciper de l'Empire. La bande de Kanan, bien entendu, ou encore les fameux Partisans de Saw Gerrera, une branche plus extrémiste de la Rébellion.
Toute la beauté de Star Wars Rebels n'est donc pas de mettre en scène le combat entre l'Empire et la Rébellion, mais bien les querelles intestines qui secouent chaque jour l'Alliance. Et qui forment finalement son plus grand ennemi. Un sous-texte qui perdure dans Rebels, et que beaucoup de spectateurs survolent malgré tout.
Pourtant, il est loin d'être le fruit de mon imagination. Et le diptyque In The Name of the Rebellion est assez explicite de ce côté là, en proposant une scène absolument dingue ou un droïde astromech programmé par Saw Gerrera (voir ci-dessus) diffuse la parole du rebelle extrémiste dans les temples de Yavin 4, à savoir les quartiers généraux des troupes de Mon Mothma, qui milite encore pour la paix ou en tous cas, des méthodes moins violentes.
C'est un moment très fort de ce double épisode, qui est lourd de sens à l'échelle de la saga Star Wars comme à l'heure où ce diptyque est diffusé, car le show de Dave Filoni, derrière ses apparences enfantines, ose nous parler d'ingérence, de diplomatie et même de terrorisme. Une teneur politique qui se cache de moins en moins et enrichit a posteriori des films comme Rogue One, et j'ose le dire, Un Nouvel Espoir. Après tout, quand on sait ce qu'il a fallu aux Rebelles pour mettre leurs différences de côté, leur assaut sur l'Étoile Noire devient encore plus épique.
Avec ce genre d'épisodes, la série Rebels montre qu'elle peut divertir les petits comme les grands tout en construisant un sous-texte très fort. Tellement fort d'ailleurs que le terme sous-texte ne sera peut-être bien plus d'actualité. Après tout, Hera se rapproche du groupe de Mon Mothma quand Kanan prône une neutralité typique des Jedi, tandis qu'Ezra semble fasciné par les Partisans de Saw Gerrera. Sans même parler du rôle de l'ex-agent double Kallus. La série ajoute ainsi au mythe de ses fameux rebelles, et le fait sortir de ses premières lectures, qui faisaient d'eux des échos du Viêtcong ou des américains opposés à la couronne britannique. Cette mythologie s'actualise au fil des épisodes, et ce n'est d'ailleurs pas pour rien que certains environnements ou personange de Rebels et Rogue One évoquent le Moyen-Orient.
S'il vous fallait une nouvelle raison de reprendre ou de commencer l'aventure Star Wars Rebels, c'est donc assurément celle-ci : l'injection d'une sacré dose de nuance dans le conflit galacitique imaginé par George Lucas il y a quarante ans de cela, qui finit par s'actualiser au contact de nouveaux personnages et de thèmes inédits.