1.
| Sur Mars d’Arnauld Pontier : Les premiers pas
Découvrir de la vie ici nous rendra-t-il meilleurs ? Ou bien cela nous précipitera-t-il plus vite encore vers notre perte ?
Arnauld Pontier nous fait vivre l’odyssée martienne comme si nous y étions. Nous sommes à bord de la fusée, nous faisons partie de cet équipage et nous partageons le quotidien des gens comme Thomas Pesquet. Je perçois souvent Sur Mars comme de la SF réaliste : d’ici quelques années, les premiers hommes et femmes sur Mars construiront les premières pierres des colonies. A travers le journal de bord d’un astronaute, nous découvrons toutes les étapes de sa mission (de l’atterrissage à la création de serre jusqu’au départ de la planète). En effet, cet astronaute n’est qu’un rouage de cette aventure bien huilée : il prépare le terrain à tous ceux qui viendront après lui. Et on en ressent parfois toute l’amertume de ce rôle ô combien nécessaire !
Nous suivons les joies, les craintes, les jalousies mais aussi et surtout l’émerveillement face à un monde inconnu et qui ressemble tant aux nôtres, si ce n’est la terre à la couleur de rouille ! Rares sont les moments où l’équipe peut explorer la zone. Tout est calculé à l’avance et le millimétrage est essentiel. Ce journal nous laisse toucher du doigt les décors exceptionnels comme l’Olympus Mons ou les ravines qui jalonnent la planète. La contemplation et l’émerveillement luttent avec la déception de ne pouvoir explorer plus en avant la planète (la technologie ne le permettant pas) !
Arnauld Pontier nous rend crédible et scientifiquement viable ce voyage. De plus, l’écriture est clairement documentée car les premières missions spatiales sont évoquées afin de nous montrer que pour en arriver là, les moyens en matériels et en hommes furent immenses et s’inscrivent dans la durée.
Loin d’un Seul sur Mars d’Andy Weir, Sur Mars d’Arnauld Pontier est une vraie pépite de SF qui ravira les fans en quête d’aventures réalistes et qui sont le symbole de la ténacité humaine. Chaque astronaute est une pièce du puzzle qui permettra au reste de l’humanité de poser un jour le pied sur la planète rouge. Splendide mais inaccessible, Mars restera pour l’instant un rêve.
2.
| Arca de Romain Benassaya : Le problème du huit-clos
Il n'y a pas d'autre alternative à un saut en avant dans le développement de l'humanité que le déclin.
Premier roman du jeune auteur Romain Benassaya, Arca n’a pas eu encore droit à un focus sur le site. Prometteur, Arca esquissait déjà le génial Pyramides ! Au XXIIème siècle, 3 600 représentants de l’humanité embarquent dans une arche dénommée Arca afin d’atteindre une lointaine planète, identifiée comme habitable : La Griffe du Lion.
Comme la colonisation de Mars ne se déroule pas comme prévu, cet Eldorado promis fait sensation mais pourtant, comme l’humain rentre dans l’équation, les complots et les trahisons sont de mise. Placez plusieurs humains dans une boite de ferraille et ils se feront la guerre par les mots ou par les poings. L’auteur s’est fait l’expert des huit-clos où toutes les tensions sont exacerbées ! Dans Arca, on ressent la facilité déconcertante avec laquelle l’auteur fait interagir les personnages pour créer des tensions qui aboutissent souvent à des désastres. Romain Benassaya a ce plaisir de confronter les idées et les pensées pour que ses romans soient des terreaux fertiles aux débats. Il dose savamment les retournements de situations, alliés à un style fluide très proche du page-turner, pour que l’équilibre qui aurait pu se créer entre les différents partis de ses histoires soit sans cesse remis en cause. Dans ce roman, la religion aura une place toute particulière afin de monter les personnages les uns contre les autres.
En plus d’évoquer la vie au sein de l’arche, l’auteur évoque le passé des personnages qui ont tous plus ou moins un rapport avec Mars et sa colonisation qui n’en est pas une. La terraformation est surtout le motif à un esclavagisme de masse des « colons » qui sont en quête de leur liberté. Romain Benassaya arrive par ce biais à pousser son lecteur à questionner la valeur de l’humain et de nos limites afin d’accomplir un rêve (coloniser Mars). En plus de Mars, la Griffe du Lion est un nouvel objectif fixé par l’Humanité afin d’ensemencer l’espace et fuir la Terre surpeuplée. Plein de poésie et de réflexions morales, Arca remet en cause le droit de l’humanité de s’approprier tout ce qu’il touche.
Roman à la structure captivante et rempli de coups de théâtre, Arca est un magnifique premier roman pour un auteur qui fait de plus en plus parler de lui. Religion, endoctrinement, politique, écologie sont au cœur d’un roman qui vaut vraiment le détour pour découvrir les balbutiements de l’Humanité dans la conquête spatiale.
PS : Je passe sous silence toute une partie du roman qui se passe partiellement en dehors du vaisseau afin de ne pas vous spoiler 😉
3.
| Colonies de Laurent Genefort : L’inconnu de plein fouet
On dit que l’on trouve une plus grande variété végétale aux abords des astroports.
— Parce que les équipages en transit transportent à leur insu des graines et des spores d’autres mondes ?
— Parce que les gens croient justement ça ; ils regardent mieux la nature autour des pistes et découvrent des espèces qu’ils n’avaient même pas remarquées devant leur propre maison.
On ne présente plus Laurent Genefort et l’univers des Portes de Vangk ! Ces portes permettant de projeter des vaisseaux à des années-lumière sont l’opportunité pour l’auteur de créer des milliers d’histoires au sein d’un même univers. Colonies nous brossent le portrait de 10 tentatives de coloniser l’univers. De l’astéroïde à la planète habitée, les personnages de Laurent Genefort doivent s’adapter et faire preuve de la plus grande des résiliences, avec toujours l’espoir de devenir maître de leur espace.
5 colonies planétaires et 5 colonies spatiales qui sont toutes l’enjeu de trahison ou d’espoir. Fidèle à son style, Laurent Genefort oscille entre plane topera et space opera à grands coups de découvertes, d’explorations et d’acclimatations à de nouveaux environnements. Les récits exotiques sont généralement dramatiques car l’Homme sera confronté à l’hostilité des créatures autochtones. Mais les colonies spatiales ne sont pas en reste car dans une de mes nouvelles préférées de ce recueil, « Longue vie » les colons survivants sur un astéroïde ont la rancœur au cœur et se livrent une guerre impitoyable.
L’auteur maîtrise parfaitement l’exercice de la nouvelle en ménageant un maximum d’effet pour un minimum de pages. Les « chutes » laissent une impression durable même après avoir posé le livre. Si vous êtes fans de l’univers des Portes de Vangk, l’auteur y a glissait ici ou là quelques jolis « easter eggs » qui sont savoureux et multiplient les références communes entre chaque nouvelle !
Laurent Genefort est et reste un conteur et un créateur d’univers hors pair, y compris dans ce recueil important pour son œuvre-univers.
PS : L’ouvrage se termine par une postface, dans laquelle Laurent Genefort revient sur les conditions de parution de ses différents récits. Texte intéressant qui permet de contextualiser les nouvelles et de les insérer dans une sorte de « chronologie méta » de l’univers de l’auteur !