Alors que la série télé Scream, produite par Wes Craven lui-même, va bientôt débarquer sur les ondes de MTV, elle remettra sous les projecteurs un genre cinématographique qui a un peu perdu de sa superbe ces dernières années alors qu'il était le film d'horreur alpha au tournant du millénaire. Retour sur un cinéma souvent critiqué mais qui a pourtant réuni un grand nombre de spectateurs avides de petites frayeurs entre amis.
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- Les origines du slasher
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- Le slasher, un nouveau genre
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- Le slasher, la seconde genèse
1.
| Les origines du slasher
Si un film pouvait être désigné comme le proto-slasher par excellence, c'est bien Psychose ! Ce film d'Alfred Hitchcock sorti en 1960 présente un gérant de motel à la personnalité trouble qui assassine les jeunes femmes qui ont le malheur de prendre une chambre dans son établissement. La scène culte où Norman Bates apparait derrière un rideau de douche, couteau à la main, pour assassiner froidement sa victime va faire des émules et surtout marquer l'imaginaire d'un très grand nombre de cinéastes.
La même année, sort en Grande-Bretagne Le Voyeur. Ce film de Michael Powell joue avec les même thèmes puisque l'on suit un photographe solitaire qui prend un plaisir extrême à prendre des clichés de jeunes femmes sur le point de mourir. Malsain et effrayant, il partage avec Psychose ce personnage de serial-killer qui semble bien sous tous rapports mais qui cache un désaxage mental qui le pousse à assassiner, de préférence à l'arme blanche, ses victimes.
Si ces films ont mis en place les premières pierres sur lesquelles se fondera le genre du slasher, c'est bien le Giallo (cinéma d'horreur italien) avec des réalisateurs comme Dario Argento et Mario Bava ainsi que Black Christmas qui en définiront les caractéristiques. Ce dernier film, réalisé en 1974 par Bob Clark, pose les bases du slasher en réunissant en grand nombre des éléments qui servent à définir cette catégorie du film d'horreur.
On y suit ainsi un groupe de jeunes filles qui sont réunies dans un pensionnat durant les vacances de Noël, préfigurant tous ces groupes d'adolescents qui seront les cibles de tueurs patentés. Elles vont toutes disparaitre les unes après les autres, faisant monter petit à petit une angoisse presque palpable. Surtout, on va découvrir dans ce film ce qui permet au premier coup d'œil de savoir si c'est un slasher ou non : le boogeyman !
Le boogeyman, que l'on traduit par croque-mitaine en français, est ce tueur masqué (dans Black Christmas il n'a pas de masque mais se dissimule toujours dans l'ombre) qui va trucider ses victimes, avec une préférence pour les armes blanches, celles qui découpent proprement et nettement. Souvent, comprendre les motivations du boogeyman, qui peuvent être un traumatisme de l'enfance ou une vengeance à accomplir, permettra de découvrir comment le vaincre. Un autre aspect récurrent du slasher apparaît ici : même s'il se débarrasse en apparence du tueur, le héros, qui est d'ailleurs souvent une héroïne, n'a pas réellement réussi à le vaincre.
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2.
| Le slasher, un nouveau genre
Un réalisateur va être particulièrement inspiré par la vision de ce Black Christmas. Celui-ci n'est ni plus ni moins que John Carpenter, qui va réaliser Halloween en 1978 en reprenant beaucoup d'éléments du film canadien. Il va cependant aller plus loin dans la définition de son boogeyman et va faire de Michael Myers une icône pop alors même qu'il est le grand vilain de son long-métrage. Cela va devenir une caractéristiques des slashers, de voir les tueurs laisser un plus grand impact que les autres personnages.
Dans ce film qu'il coécrit avec sa femme Debra Hill, il va nous présenter un tueur dont on ignorera tout des motivations jusqu'à la fin. Effrayant avec son masque, il devient une incarnation de la terreur la plus profonde en semblant aussi implacable que cruel. Surtout, il ne parle pas et rien n'est plus effrayant qu'un type qui charcute de l'adolescent à la dizaine sans aucune motivation apparente. Surtout que Carpenter va beaucoup jouer avec le genre, comme lorsqu'il fait des plans où l'on voit les futures victimes à travers le point de vue du tueur qui est caché. On devine ainsi où il se dissimule dans la scène, sans pour autant le voir, l'angoisse est construite subtilement et le boogeyman va devenir la terreur des années 80.
Dans les codes du slasher que Carpenter établit, on note aussi cette fin incroyable où l'héroïne interprétée par Jamie Lee Curtis, fille de Janet Leigh qui était l'héroïne de Psychose (ce qui n'est sans doute pas un hasard), survit de peu mais voit tout de même l'assassin disparaître mystérieusement. Dans le slasher, le Mal ne disparait jamais réellement, il est tout au plus repoussé. Une aubaine pour les producteurs qui ont le prétexte parfait pour lancer la logique de franchises avec ces films d'horreur d'un nouveau genre (auquel on rattachera Massacre à la Tronçonneuse justement à cause des suites).
Le succès de ce film, malgré des critiques plus que mitigées qui n'avaient pas su voir l'impact qu'aurait le long-métrage de John Carpenter, ainsi que ce qu'il a rapporté malgré un budget famélique, va donner des idées à beaucoup de producteurs. C'est ainsi que va naître Vendredi 13, aussi inspiré par les films de Mario Bava et Dario Argento (d'où une propension à utiliser des armes blanches diverses et variées), dont le premier opus sera réalisé par Sean Cunningham.
Fait amusant : le boogeyman du premier volet ne sera pas celui de la série. En effet, le fameux Jason Voorhees qui massacrera des gens dans plus de dix films par la suite est en fait mort dans le premier volet et c'est sa mère vengeresse qui est en réalité la tueuse en série. Pourtant, cette idée originale ne sera pas reprise et Jason reviendra par la suite à la vie pour devenir une incarnation de la peur panique qui se refuse de mourir de façon inexpliquée (du moins, jusqu'au prochain film).
Les années 80 voient fleurir de nombreux slashers, pas tous de grande qualité il faut le reconnaitre. On peut tout de même citer Meurtres à la St-Valentin, Hellraiser, Candyman et surtout la série des Freddy qui va être initiée par un certain Wes Craven en 1984 avec la sortie du premier film : Les Griffes de la Nuit. Ce long-métrage permettra de découvrir l'un des boogeyman les plus flippants de l'histoire du cinéma, Freddy Krueger, qui sera toujours interprété (même dans la série anthologique) par Robert Englund.
Ce tueur en série à la particularité d'être déjà mort, brûlé vif par les parents des enfants qu'il a assassiné. Pourtant, cela ne va pas l'arrêter et il se mettra à hanter les cauchemars de ses victimes pour mieux les assassiner pendant leur sommeil. Les films vont ainsi souvent se construire autour de cette angoisse latente, cette paranoïa qui s'intensifie tout du long du film et qui empêche les héros de s'endormir sous peine de voir l'affreux surgir pour les égorger (pour les plus chanceux, pour les autres cela passe d'abord par quelques tortures bien senties).
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3.
| Le slasher, la seconde genèse
Les années 90 vont mal commencer pour le slasher. L'essoufflement des différentes franchises qui ne se renouvellent plus beaucoup ainsi qu'un public qui se désintéresse progressivement du genre vont faire peu à peu disparaitre le slasher dans les limbes d'Hollywood. Du moins, c'est ce qui aurait sans doute pu arriver avant que le genre ne bénéficie, à l'approche du nouveau millénaire, d'une seconde genèse qui va l'ancrer définitivement dans le paysage cinématographique.
En 1996, Wes Craven, qui a déjà largement contribué au genre en réalisant les meilleurs volets de la saga Freddy, décide de donner une seconde impulsion au slasher avec Scream. Il va y établir tous les codes du genre, avec un tueur masqué féru d'armes blanches (même s'il peut se diversifier, le tueur moderne est multi-tâches), un groupe d'amis qui compte au fur et à mesure les victimes dans ses rangs et une héroïne qui est seule survivante d'un drame qu'elle ne comprend pas forcément. Il va aussi intégrer le passé du tueur qui est forcément déclencheur de tout ça.
Surtout, ce que Craven va faire dans le premier opus de Scream (et qu'il continuera jusqu'au quatrième), c'est réfléchir sur le genre horrifique lui-même et ses codes. Ainsi, le tueur masqué est lui-même un grand amateur de ce cinéma et de multiples références se cachent dans le film, comme des clins-d'œil à John Carpenter ou Freddy. Wes Craven va ainsi établir dans Scream le premier film d'horreur méta (ce qui sera manqué par beaucoup de critiques de l'époque, surtout du côté des "généralistes").
Scream va avoir un succès colossal, si bien qu'il va initier un retour en force du slasher dans les années qui suivirent. Citons en premier lieu un film qui va sortir dès l'année suivante : Souviens-toi... l'été dernier. Le scénariste, KevinWilliamson (qui a aussi créé la série Dawson), est le même que pour la série de films de Craven, les codes aussi. On retrouve encore une fois un groupe d'ados, interprété par ce qui se faisait de mieux en teenage stars à l'époque, Jennifer Love Hewitt, Freddie Prinze Jr. ou Sarah MichelleGellar, qui va se retrouver confronté à un tueur sanguinaire.
Là encore, le passé du tueur reste sa principale motivation. Ce qui va changer, c'est que ses victimes y sont intimement liés puisque ce sont elles qui l'ont renversé sur la route en rentrant de soirée. Le tueur en ciré semble vouloir se venger à coups de crochets de pêcheur et joue avec les adolescents, il fait progressivement grimper leur terreur en leur laissant des petits mots lourds de sens ou en s'introduisant chez eux en pleine nuit pour les déguiser. Encore une fois, ce film va avoir son lot de suites, mais n'arrivera pas à tenir la cohérence de son histoire contrairement à Scream.
Autre exemple du regain d'intérêt gagné par le slasher à la fin des années 90, Urban Legend (qui lui aussi va aligner les suites après un premier opus qui aura beaucoup de succès en salles). Là encore, la recette est la même, un mystérieux tueur assassine ses victimes adolescentes tout en dissimulant habilement son identité. Son arme du crime sera en revanche bien plus originale, puisqu'il s'appuie sur les légendes urbaines pour passer ses victimes de vie à trépas.
Ce film va être l'instigateur du slasher façon cinéma d'exploitation, bien plus encore que Souviens-toi... l'été dernier, qui se construisait encore comme un hommage. Avec un casting où l'on retrouve Joshua Jackson ou Jared Leto, il aligne les tropes du teen movie. Le slasher est devenu une manne et c'est à cette époque que l'on verra la résurgence des anciennes licences qui vont toutes connaitre un remake ou une suite douteuse.
Jason Voorhees sera sans doute le plus touché par l'avidité des producteurs, puisqu'on va le retrouver dans Jason X, où il est carrément projeté dans le futur et l'Espace, avant d'être dans Freddy contreJason, qui n'est pas la catastrophe industrielle que l'on aurait pu prévoir mais qui est très loin d'être un grand film. Citons tout de même le remake d'Halloween par Rob Zombie qui est pour le coup la véritable bonne surprise de ce revival doublé d'un vrai bon film.
Ce retour au sommet des slashers sera pourtant de très courte durée puisqu'un nouveau genre de films d'horreur va prendre l'ascendant. Ce que l'on appellera le torture porn, genre initié par Saw et magnifiquement continué par Hostel, va prendre le pas dans les studios hollywoodiens sur le slasher, devenant ce nouveau genre à petit budget qui rapporte beaucoup. Actuellement, le film d'horreur subit une nouvelle mutation, avec les coûts des effets visuels qui s'effondre et permet à n'importe quel réal' indépendant de se permettre quelques folies. Gageons que tant qu'il restera des gens de bons goûts, nous devrions de toute façon avoir quelques litres d'hémoglobines qui éclabousseront les écrans de cinéma dans les années à venir.