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La Fantasy au cinéma dans les années 80' : la vie avant le Seigneur des Anneaux et Game of Thrones (partie 1)
Par Olivier Dmb
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30 septembre 2023
Plus Star Wars (1977) ouvrira les portes du cinéma à la science-fiction, plus la fantasy restera longtemps un parent pauvre sur le média cinématographique.
Si le genre fantasy se développe en roman, BD, jeux de rôles ou comics, il reste peu représenté sur le grand écran. Il faudra la révolution cinématographique du Seigneur des Anneaux en 2001 pour que le genre soit pleinement investi et pour voir affluer du bon (et du moins bon) sur nos grands écrans. Et l’autre révolution de Games of Throne en série télé 10 ans plus tard pour que la fantasy trouve aussi ses lettres de noblesse sur le petit écran.
Il faut dire que les effets spéciaux n’étaient pas encore au point avant que WETA ne se penche dessus et permette de donner naissance sur pellicule à des gigantesques armées orques combattues par des charges épiques de rohirrims.
Mais malgré tout, malgré la faiblesse de la production, la frilosité des studios, les effets spéciaux encore approximatifs, quelques films sortiront sur les écrans de cinéma, surtout dans les années 80. Et ce sont ces pépites que nous allons évoquer ensemble !
1
- Excalibur – avril 1981
2
- Le Dragon du Lac de Feu – Dragonslayer (juin 1981)
3
- Conan the Barbarian – mai 1982
4
- Krull – juillet 1983
1.
| Excalibur – avril 1981
Et à tout seigneur, tout honneur, commençons par le personnage mythique de la fantasy : Arthur.
John Boorman réalise LE FILM de la Légende Arthurienne. Avec un scénario relativement proche de l’œuvre de Thomas Malory l’écrivain du haut moyen-âge qui avait compilé au XVeme siècle Le Morte d’Arthur. Cet ouvrage est généralement considéré comme l’œuvre canonique sur laquelle les mythes, histoires, scénarios et livres trouvent leur inspiration.
On retrouve donc dans ce film Arthur, Morgane, Mordred, Lancelot, Merlin et évidemment Excalibur (et Uther, Gauvain, Galahad, La Dame du lac, le Graal, etc.).
Dans cette œuvre majeure et très onirique nous assistons à l’avènement d’un Âge d’or issu des périodes sombres. Et la chute de ce même monde idéalisé et chevaleresque dans une ère de Chaos pour, dans un dernier baroud d’honneur, espérer une renaissance éphémère (sorte de dernier soubresaut de la bête … euh de la licorne). Tout ça en un peu plus de deux heures ! Autant vous dire qu’il va s’en passer des choses dans ce film assez dense : bataille, mariage, séparation, trahison, quête, duel, magie, etc.
On assiste surtout aux efforts démesurés d’un Merlin manipulateur qui aspire à créer un Monde de paix ou règne la Justice et l’Ordre … Et comment il va se planter dans les grandes largeurs.
Bon, disons-le tout de suite le film a un peu vieilli. Mais il y a des fulgurances visuelles et musicales qui vont vous transporter. C’est la musique de Carl Orff, le fameux Carmina Burana, les armures rutilantes, la marche Funèbre de Siegfried (de Richard Wagner), des paysages, des moments de bravoure, la sortie des chevaliers, … j’en ai des frissons à me rappeler ces bons moments. Et puis l’ensemble filmé avec le talent de John Boorman.
Certes, comme nous l’avons évoqué un peu plus haut, il se passe beaucoup (trop) d’événements en un seul film donc il y a des ellipses et des raccourcis. Mais cela ne gâche en rien le plaisir de s’en prendre plein les mirettes.
Tous ces éléments, cette palette de talents divers pris à travers les siècles (Mallory au scénario, Wagner à la musique, Boorman à la réalisation) dans le folklore imaginaire européen ne pouvait donner qu’une magnifique peinture qui demeure au Panthéon des œuvres de fantasy.
De toutes les œuvres qui traiteront de la légende arthurienne, aucune n’atteindra la qualité, la puissance et finalement la fidélité de cet Excalibur. Excalibur est donc LA référence en fantasy du mythe arthurien.
Si vous n’avez jamais vu ce film, allez-y les yeux fermés (enfin, rouvrez-le quand le film commence sinon ce serait un peu bête) c’est encore à ce jour la meilleure adaptation vidéo de la légende arthurienne.
Petit détail qui me fait rire, Patrick Stewart (X-Men, Star Trek) y joue un (petit) rôle ! Décidément ce mec est partout.
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2.
| Le Dragon du Lac de Feu – Dragonslayer (juin 1981)
C’est très simple : un Dragon, un Lac, du Feu.
Bon, en fait c’est un peu plus compliqué que ça. Car en fait le titre original Dragonslayer (tueur de dragon) est plus fidèle à l’œuvre que sa traduction française, Le Dragon du lac de Feu.
Des paysans viennent requérir l’aide d’un magicien et de son disciple pour les débarrasser d’un Dragon qui les terrorise. Pourquoi est-ce que ce sont les paysans qui viennent faire cette demande ? Et bien parce que le roi se satisfait très bien de ce petit rituel qui consiste à sacrifier de temps en temps une jeune femme pour alimenter le dragon quand celui-ci à une petite fringale (de préférence une pucelle, la viande est plus tendre).
Alors évidemment, non seulement cette bande improbable doit entreprendre une quête bien ardue, mais aussi déjouer les pièges tendus par le roi et sa clique servile. Il s’agit donc de lutter contre l’ordre établi (belle métaphore, pour ceux et celles qui n’auraient pas compris).
Dans cette quête initiatique nous retrouverons une paysanne volontaire et ambiguë, une princesse révoltée, un magicien retors, un disciple en proie au doute. Tout un florilège lié à la fantasy est réuni : une amulette, une grotte, une lance enchantée, un bouclier en écaille de dragon, un dragon, des sacrifices, un roi cruel, ses sbires maléfiques, des intrigues.
Oui, il faut aussi noter que tous les critères du monomythe développés par Joseph Campbell semblent réunis : un héros, un mentor, une quête, des épreuves. Les mêmes éléments qui avaient fait la recette et le succès de Star Wars. Donc la quête est, de ce point de vue, archétypale et classique. Mais remettons-nous dans un contexte : d’abord l’année 1981 (bon sang, ce que je suis vieux) et une absence de film de fantasy à l’époque (ce petit bijou est donc un pionnier).
Et bien pourtant le film a fait un bide à sa sortie. Énorme bide. Renvoyant le genre Fantasy dans les expériences cinématographiques à ne pas tenter.
Probablement car le film est un Disney. Or à ce moment le studio se cherche et ne se trouve pas. Il tente de se réinventer et n’y arrive pas. Cette tentative filmique dans un Univers qui pourtant devrait lui être naturellement proche est un échec. La Noirceur de certains passages, une ambiance sexualisée (légèrement hein !, faut pas exagérer non plus) et un scénario qui, à défaut d’être confus, est assez tordu en sont peut-être les causes.
Un sous-texte aussi, il faut remettre en cause l’ordre établi quand celui-ci est injuste, qui est peu habituel. On est loin de la sempiternelle lutte du bien contre le mal, de l’ordre contre le chaos, des gentils tous mignons contre les méchants pas beaux qui puent du bec.
Donc Disney s’est fourvoyé dans quelque chose … qui n’est pas dans l’esprit Disney !
Aujourd’hui le film est devenu culte. Il a finalement assez bien vieilli. Le dragon notamment en animatronique est très réussi (c’est George R R Martin qui le dit). Et puis il s’agit d’un scénario totalement original. Même s’il comporte un nombre faramineux de tropes du genre (vus plus haut) et suit le schéma narratif du héros aux 1000 visages de Campbell (un jeune héros, un mentor, une quête, une héroïne à sauver) on est dans de la nouveauté. Encore une fois je me répète, mais 1981 !!!! Le scénario est alambiqué, les personnages complexes, les rebondissements nombreux.
Alors, si vous êtes amateurs de fantasy, si vous aimez en savoir plus sur le genre, ou même tout simplement si vous voulez vous faire un bon film des années 80 sans Chuck Norris, Stallone ou Schwarzenegger précipitez-vous sur ce film.
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3.
| Conan the Barbarian – mai 1982
Alors si vous aimez la Fantasy vous devez connaître ce film ! C’est un monument.
Librement inspiré de l’œuvre de Robert E. Howard, nous suivons les pas de Conan. D’abord jeune enfant de Cimmerie dernier rescapé de son village envoyé en esclavage. Devenu un guerrier accompli il partira à l’aventure dans un univers sauvage et désolé. Puis il trouvera enfin son but, venger la mort de son père, sa mère, son village en cherchant le responsable du massacre des siens.
Ce film sauvage et épique est une pépite de talents et de découvertes. Le scénario, même s’il ne reprend pas littéralement une nouvelle de Conan, est assez fidèle à l’esprit de Robert E. Howard.
La réalisation de John Milius est particulièrement réussie. Il transforme le plomb en or et, par de belles trouvailles, nous fait voyager dans un univers de fantasy surprenant, sauvage et beau.
Les acteurs sont habités par leur rôle : cette version imprimera dans l’Imaginaire collectif l’image d’un Conan surmusclé (et pas nécessairement très finaud) en la personne de Arnold Schwarzenegger. Un Conan plus inspiré des peintures de Frank Frazetta que du côté félin imaginé par Howard.
Mais aussi James Earl Jones dans un Thulsa Doom particulièrement inquiétant et machiavélique. Après tout un film n'est réussi que si le méchant est réussi et, là, c’est un succès. Un personnage ambigu, sombre, vénéneux et incroyablement charismatique.
La musique de Basil Poledouris restera aussi au firmament des musiques de fantasy et permettra d’animer de nombreuses parties de Jeux de rôles. Et puis probablement un des plus beaux génériques du genre.
On pourra faire quelques reproches à cette version : un côté un peu kitsch, d’avoir enlevé au personnage de Conan une part de ruse et d’intelligence, et finalement peu de moyens … mais ce film n’en demeure pas moins une réussite. Une pierre fondamentale dans le jardin de la fantasy que tout amateur du genre doit avoir vu.
De plus l’œuvre de Howard se détache des mythes européens pour être une œuvre indépendante qui a sa propre narration, histoire, panthéon, magie et qui puise son inspiration des gigantesques paysages nord-américain dans l’imaginaire fertile d’un habitant du Texas au début du XXème siècle.
Finalement Conan est le pendant parfait de Excalibur. Il offre un Univers vierge et déréférencé dans lequel le spectateur pourra projeter son imaginaire sans avoir à puiser dans un éventail de références culturelles et historiques.
Alors vous aussi allez arpenter les terres sauvages de la Cimmérie, découvrez la riche civilisation d’Aquilonie, traversez les déserts de Shem, explorez les côtes dangereuses de Zingara au temps des âges Hyboriens.
Vous ne le regretterez pas et ce voyage changera votre vision de la fantasy à tout jamais.
Je vous invite à découvrir ce podcast sur l’Univers de Conan réalisé par SyFantasy. Il est une référence et vous donnera une vision plus large de l’Univers de Howard et de ses nombreuses déclinaisons à travers les temps et les différents médias.
Enfin, vous m’excuserez de faire l’Impasse sur une suite assez ratée : Conan the Destroyer (1984). Le souvenir de ce film est assez pénible. Donc sachez juste qu’il existe une suite qui est très dispensable et dont l’idée maîtresse a dû être : reprendre tous les éléments qui ont fait du premier opus un succès, les enlever et tenter de faire un film jeunesse, accessible à tous et finalement un truc raté. Mais je parlerai quand même de Richard Fleischer (le réalisateur) un peu plus tard.
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4.
| Krull – juillet 1983
Vous n’avez jamais entendu parler de ce film ?
Et bien c’est normal !
Le film est tombé dans les oubliettes du cinéma et ce n’est pas plus mal.
Bon l’histoire : deux royaumes en guerre décident de finir leurs querelles intestines (en gros, ils se font la guerre depuis la nuit des temps) en unissant leurs deux héritiers : le prince et la princesse et ainsi commencer une ère de paix et de prospérité.
Et surtout s’unir contre un méchant très méchant dont on ne sait pas grand-chose sauf qui s’agit de … la Bête. Or la Bête, ben justement elle n’est pas bête. Alors elle fait enlever la jolie princesse au nez et à la barbe de son joli prince. Pas de princesse, pas de mariage. Pas de mariage, pas de paix.
De ce fait le gentil prince part en quête de sa moitié avec plusieurs aventuriers recrutés en chemin (dont un Liam Neeson improbable).
Bon c’est assez gnangnan et finalement il n’y a pas grand-chose à sauver. Si, sûrement la musique de James Horner qui est une véritable réussite. Et peut-être aussi une arme improbable mélange de frisbee et des griffes de la nuit Freddy. Et puis si vous voulez voir Liam Neeson dans un de ses premiers rôles, mais là il faudrait être sacrément vicieux.
C’est finalement dommage car cela aurait pu être une réussite et le début de quelque chose de plus grand. Mais finalement la sauce ne prend pas. Les effets sont très ratés, le méchant trop caricatural, le scénario assez pauvre, les personnages creux, l’intrigue poussive.
Bref si vous ne l’avez pas vu ce n’est pas trop grave et personne ne vous le reprochera.
En revanche n’hésitez pas à découvrir la Bande Originale qui s’écoute avec beaucoup de plaisir.