1.
| Absolu : la renaissance de la dystopie en France
Vingt générations. Deux mille jeunes. Ils ont franchi les portes de la Zone pour ne jamais en ressortir. Leur mission ? Vaincre la Chose, créature humanoïde destructrice échappée d’un laboratoire... ou mourir en essayant.
Le roman et son autrice
Vous croyez que la dystopie young adult n’est plus à la mode depuis 2010 ? Eh bien, détrompez-vous ! Avec le premier tome de sa saga Absolu, Margot Dessenne a d’abord conquis le cœur de ses lecteurs sur la plateforme d’écriture en ligne Wattpad, avant d’être publiée dans la collection BigBang chez Castelmore (Bragelonne). L’autrice est connue sur les réseaux sociaux pour son contenu lié à l’écriture et la communication. Si vous aimez écouter des podcasts, on vous conseille grandement Les Mots Raturés, son podcast de qualité qui mêle anecdotes personnelles, conseils et interviews sur le monde de l’édition.
Absolu, Tome 1 : Les Mobilisés est un début de saga haut en couleurs, presque digne d’un bon vieux Hunger Games. Dès les premières pages, on sent à quel point l’intrigue a été ficelée jusqu’à la fin de ce qui, a priori, sera une trilogie. Dans une Europe post-apocalyptique, cent jeunes gens sont envoyés chaque année dans les ruines de Varsovie, en Pologne. La ville fortifiée renferme une terrible créature, la Chose, que personne n’a jamais réussi à éradiquer.
Dans ce décor hostile, la vie n’est pas tendre avec nos jeunes héros, et l’on perd de nombreux personnages en route. Au moins, l’action est au rendez-vous ! La narration est insolite, car ce roman choral compte pas moins de sept points de vue. Les principaux sont Prym et Joanna, meilleurs amis depuis l’enfance, et Edward, linguiste et savant qui n’avait aucune envie de se battre contre un monstre. On retiendra aussi Zuzanna, une vagabonde que sa surdité n’a pas empêché de survivre aux dangers de la Zone, ainsi que l’attachant trio de Conquérants formé par Lise, Mikołaj et Aleksander.
Quand magie et mystères s’invitent dans la dystopie
Si certains rebondissements sont attendus, la quatrième de couverture ne nous laisse en rien deviner la direction globale de l’histoire. Les enjeux changent rapidement de ceux qu’on nous présente, ceux qui ont toujours été enseignés aux héros : les Mobilisés entrent dans la Zone pour vaincre la Chose, ou ont l’honneur de mourir en essayant. En vérité, vous verrez très peu de scènes avec ladite créature ! Les guerres de clans entre les survivants, qui ont abandonné depuis longtemps l’idée d’éliminer ce monstre, priment sur une unique guerre contre la Chose.
La dystopie laisse également une grande place à la fantasy. À force d’être enfermés avec la Chose, les personnages développent des sortes de mutations, qui les tuent… ou les dotent de capacités surnaturelles. Prym a tout de l’archétype de l’« élu » qui sauvera le monde du chaos, mais à voir comment il évoluera dans les tomes suivants.
Il faut dire que de nombreuses questions sont laissées en suspens à la fin de ce premier tome, et à vous d’établir vos propres hypothèses. En tant que lecteurs habitués à la dystopie, nous savons très bien que le gouvernement cache des choses à ces jeunes Mobilisés, que leur endoctrinement rend aveugles et prêts à mourir pour la patrie (ils ont intérêt à se poser plus de questions s’ils veulent survivre jusqu’au bout de cette saga !). Mais les personnages, eux, ne cherchent pas à résoudre ces énigmes, nous laissant mariner dans notre bouillon de frustration.
Pourquoi envoyer l’élite de la nation combattre un monstre, qui est déjà emprisonné pour toujours derrière un mur infranchissable ? Pourquoi ne donner que trois pauvres caissons d’armes à ces jeunes mais, en parallèle, déployer les moyens de dépolluer le fleuve entier qui traverse Varsovie ? Et, le plus important : pourquoi des pigeons viennent-ils dans une ville où il n’y a rien à manger ? Il faudra attendre le tome 2, prévu pour l’automne prochain, pour le découvrir.
2.
| Ce qu’il nous reste : à lire sous un plaid avec du chocolat
Un autre premier roman, pas français mais bien américain, cette fois-ci : Ce qu’il nous reste d’Erik J. Brown. À l’origine publié sous le nom de All that’s left in the world, il vient d’être traduit aux éditions ActuSF dans la collection Naos, dédiée à la littérature jeunesse et YA.
Deux ados, mais pas de zombies
Après une pandémie de méga grippe, l’humanité a été décimée. Andrew, qui a perdu toute sa famille, erre en pleine forêt et marche sur un piège à ours. Blessé, il trouve refuge dans le chalet de Jamison, un adolescent de son âge, désormais seul lui aussi après avoir enterré sa mère. Les deux adolescents vont apprendre à se connaître et à se serrer les coudes. Surtout lorsqu’il leur faudra reprendre la route ensemble...
Pour un premier roman, c’est une totale réussite ! Ce qu’il nous reste est un récit post-apocalyptique à la fois drôle et touchant, qui apporte un vent de fraîcheur au genre. Ici, pas de zombies, d’extraterrestres ou que sais-je. Seulement deux garçons qui voyagent sur la côte Est des États-Unis, dans l’espoir de trouver d’autres survivants et un avenir meilleur.
Les personnages sont très attachants : Andrew avec son humour sarcastique à toute épreuve vous fera rire plus d’une fois, Jamie avec sa gentillesse inégalable vous donnera envie de lui faire un gros câlin, et vous regretterez de ne pas en savoir plus sur la douce Cara qui les rejoindra sur la route.
Erik J. Brown
Du post-apo queer et bienveillant ? Pari réussi !
La pandémie est déja passée et ne sera pas au premier plan. Ce qu’il nous reste, c’est avant tout un récit qui met à l’honneur l’amitié, l’amour, l’entraide. Andrew et Jamie font de belles rencontres qui redonnent foi en l’humanité, mais aussi de moins belles, qui nous interrogent sur les différentes façons dont l’Homme pourrait rebâtir la civilisation, et donc sur les problématiques sociales et politiques actuelles.
Ils vont notamment croiser une communauté que l’on pourrait qualifier d’extrémistes blancs, où racisme et sexisme ont refait surface, où les plus âgés, les malades et toute personne qui « sort du moule de la société » n’ont pas leur place. Un retour au modèle traditionaliste américain qui fait froid dans le dos, mais qui ne paraît pas du tout irréaliste, même après la méga grippe.
Même dans ce décor post-apocalyptique, vous aurez l’impression d’une « lecture doudou » impossible à lâcher. Il y a une sorte d’aura réconfortante qui s’en dégage, d’amour pour et entre les personnages, qui envoie de bonnes ondes au-delà du désespoir de la fin du monde. Bref, du post-apo feel-good. Aussitôt ce livre refermé, vous n’aurez qu’une envie : l’oublier pour le redécouvrir.
3.
| The Last of Us : le jeu vidéo adapté en série
Allez, une dernière pandémie mondiale pour la route ! La saison 1 de The Last of Us, série adaptée du jeu vidéo éponyme, est sortie sur Amazon Prime Video en France (HBO à l’origine). Au programme : zombies, survie et tranches de vie.
Zombies, survie…
Il suffit d’une poignée de jours pour que le Cordyceps, un champignon parasite qui a muté à cause du changement climatique, décime l’humanité. Voilà la base de ce monde post-apocalyptique. Vingt ans après le début de la pandémie, Joel (incarné par l’incontournable Pedro Pascal) et Ellie (Bella Ramsey) vont former un duo improbable et traverser les États-Unis pour, peut-être, sauver les derniers survivants de ce champignon mortel.
La série nous emporte dans les sublimes décors de la première puissance mondiale en ruines, des gratte-ciel de Boston en proie à la végétation aux plaines enneigées du Wyoming. Un long voyage plus que dangereux pour Joel et Ellie, mais qui va aussi les rapprocher.
Joel, adulte bourru et solitaire, a perdu sa fille au tout début de l’apocalypse. Ellie, orpheline de quatorze ans au caractère bien trempé et à la langue acérée, a toujours vécu dans la zone militaire de Boston. Il s’avère qu’elle a survécu à la morsure d’un infecté, devenant ainsi la seule porteuse saine connue immunisée contre le champignon. Malgré lui, Joel se retrouve investi de la mission d’amener Ellie aux Lucioles (Fireflies), un groupe de rebelles qui cherchent désespérément un remède.
Au gré des épisodes, The Last of Us reprend les thèmes classiques du post-apo et de l’horreur pour dérouler son scénario. Les villes refermées autour d’un gouvernement dictatorial, où couve un élan de rébellion de la part du peuple ? OK. La communauté perdue en zone aride, qui verse dans le cannibalisme pour survivre ? OK. Les attaques inopinées de zombies pour redonner du rythme à l’intrigue ? OK.
Alors, qu’apporte en plus The Last of Us dans le vaste paysage vu et revu du post-apo ? Réponse : ses personnages !
… et tranches de vie
Là où le jeu vidéo développé par Naughty Dog nécessitait son lot d’actions pour tenir en haleine le joueur, la série ne mise pas tout sur les armes à feu et le design des infectés. Elle accorde une (très) grande place à ses personnages, à leurs dialogues, à leur passé.
Bien sûr, Joel et Ellie ont droit à leur heure de gloire. Le premier épisode commence justement par nous exposer le passé de Joel, et notamment la perte touchante de sa fille unique, en parallèle des prémices de l’apocalypse. Il faudra attendre un peu plus longtemps pour se voir dévoiler le passé d’Ellie, et les événements qui ont conduit à sa morsure par un infecté. Le tout dernier épisode nous explique même pourquoi Ellie est immunisée, mettant en scène Ashley Johnson dans le rôle de sa mère, qui n’est autre que l’actrice d’Ellie elle-même dans les jeux vidéos The Last of Us.
Ni blancs ni noirs, Joel et Ellie sont deux personnages complexes, dont la relation constitue tout le ciment de l’histoire. Cette relation père/fille de substitution primera même sur leur objectif de sauver le monde, comme nous le montre la fin explosive et inattendue de cette première saison.
Mais les personnages secondaires ont aussi la part belle dans l’intrigue. Chaque épisode ou presque commence sur un flashback, voire nous déroule toute la vie d’un personnage bien avant qu’il ne croise la route de Joel et Ellie. Ainsi, vous aurez aussi l’occasion de vous attacher à Henry et son petit frère sourd Sam, Riley la meilleure amie (ou plus) d’Ellie, Tommy le frère de Joel, ou encore le couple de survivalistes Bill et Frank (attention, l’épisode 3 risque de vous mettre la larme à l’œil !). Le schéma d’introduction des personnages secondaires peut sembler redondant quand on regarde la série d’un seul coup, mais une chose est sûre : The Last of Us mise plus sur l’émotion que l’action.
Alors, la saison 2 sera-t-elle aussi contemplative, avec des personnages gris qu’on aime ou aime détester ? En tout cas, il est bien prévu que la série continue et que le jeu The Last of Us Part II soit également adapté !