Plongée dans un XIXe siècle alternatif
© Alex Alice
1869. Et si la course aux étoiles avait un siècle d’avance, cent ans avant que Neil Armstrong ne pose le pied sur la Lune ? C’est autour de cette hypothèse qu’Alex Alice, scénariste et dessinateur, a développé l’univers du Château des étoiles.
Au cœur de cette uchronie, le mystérieux roi Louis II de Bavière, cousin de Sissi, mécène une exploration spatiale à la découverte d’une nouvelle énergie qui pourrait tout changer : l’éther. Mais les autres puissances européennes, comme la France de Napoléon III et la Prusse de Bismarck, se livrent également bataille pour s’emparer de ce joyau…
Le prisme historique est le même : l’Europe est en proie aux mouvements nationalistes et aux nouvelles théories savantes. Mais un seul événement, la découverte de l’éther, vient chambouler les priorités politiques et réécrire l’Histoire. Alex Alice mélange la réalité du XIXe au folklore scientifique de Jules Verne, et nous pose franchement la question : l’humanité aurait-elle pu évoluer autrement ? Ou sommes-nous, quoi qu’il arrive, voués à répéter les mêmes erreurs et à ruiner des sociétés entières par soif de pouvoir ?
© Alex Alice
La mère de Séraphin, qui était scientifique, a disparu en cherchant l’éther. Le jeune garçon est donc prêt à tout pour accompagner Louis II de Bavière dans son entreprise. Intrépide et rêveur, il peut compter sur l’aide de ses nouveaux amis, Sophie, qui n’a pas froid aux yeux, et Hans qui, en bon Bavarois, préfère la saucisse blanche aux courses-poursuites dans l’espace.
Nos héros grandissent au fil des volumes et de nombreux personnages gravitent autour d’eux, gagnant de plus en plus en profondeur pour toucher nos petits cœurs.
Mon avis cinq… étoiles
© Alex Alice
Si l’on me demandait ma série de bandes dessinées préférée, je citerais sans doute Le Château des étoiles. Chaque volume est un coup de cœur. L’intrigue s’étoffe de page en page, mais ne cesse jamais de maintenir la barre très haute.
Les secrets de la Lune, la civilisation de Mars, la démesure de « l’Exposition interplanétaire » à Paris… Alex Alice réinvente le monde que l’on croit connaître. Il a toujours de l’imagination à revendre. Ses idées autour de la maîtrise de l’éther sont tout simplement géniales. Et si une matière invisible emplissait l’espace ? Et si, plus légère que notre air, elle pouvait faire s’envoler l’Homme vers les étoiles avant même l’invention de l’électricité ? Et si des civilisations extraterrestres avaient bâti des chefs-d’œuvre d’architecture en éther, châteaux invisibles voguant à travers la galaxie… ?
© Alex Alice
On ne peut que se demander comment cette saga se terminera (si elle s’achève un jour), alors que les nations de toute l’Europe tentent de conquérir le précieux éther, comme une nouvelle Ruée vers l’or. L’humanité colonise les planètes du système solaire, et la confrontation percutante avec la population extraterrestre ne peut que nous pousser à la réflexion. En effet, les dirigeants ne pensent qu’à leur gloire personnelle, au détriment de la vie extraterrestre et de celle des citoyens qui s’opposeraient à eux.
Alors que nos jeunes héros s’adaptent aux étranges modes de vie et de communication des Martiaux, les hommes les plus puissants ne voient en eux que des créatures à réduire en esclavage et exposer comme trophées. On peut sans doute établir un parallèle entre l’Exposition interplanétaire et la véritable Exposition universelle de 1900, où des individus issus des colonies françaises et étrangères étaient également exhibés et tournés en ridicule. Comme si, peu importe ce qu’il colonisait, l’Homme serait toujours destiné à détruire ce qu’il obtient plutôt que de le chérir.
Enfin, comment parler du Château des étoiles sans évoquer ses époustouflantes planches à l’aquarelle, dessinées à la main ? Des châteaux européens aux confins de la galaxie, cet univers steampunk est un régal pour les yeux.
Une anecdote pour la fin
© Alex Alice
La série est publiée chez Rue de Sèvres, filiale BD de l’École des loisirs. Mais les six volumes déjà parus sont en fait… des intégrales !
Eh oui, depuis 2014, Alex Alice publie d’abord ses planches sous forme de gazettes ! Inspirées à la fois des feuilletons dans la presse au XIXe siècle et des Mystérieuses cités d’or, elles sont ensuite assemblées dans ces belles éditions au format BD qui rappellent les Voyages extraordinaires de Jules Verne.
Si vous n’êtes toujours pas convaincus, sachez qu’une autre série existe dans le même univers : Les Chimères de Vénus. Avec Alain Ayroles au scénario et Étienne Jung au dessin, elle nous conte la conquête de l’Étoile du berger par les Français. Alors, amateurs de steampunk et de space-opera, qu’attendez-vous pour la découvrir ?
© Alain Ayroles, Étienne Jung
Où trouver... :
Le volume 1 du Château des étoiles
Le volume 1 des Chimères de Vénus
Ou bien, pour découvrir un autre Ayroles magnifique, on a ici une chronique sur Les Indes Fourbes ;
Pour une plongée psychédélique dans la France des années 60, jetez à œil à Fumée, de Nicolas Texier et illustré par Ascaride, la légende des moutons électriques...