Critiques

Les Oiseaux d'Argyl, contes, science-fiction et anticipation

Par Alex Moon
5 min 9 avril 2024
Les Oiseaux d'Argyl, contes, science-fiction et anticipation
On a aimé
- Des textes très forts et engagés.
- Une véritable progression dans le style des récits.
On n'a pas aimé
- Certaines histoires mériteraient un roman.

Christian Léourier est un ardent nouvelliste, fort de presque cinquante ans d’écriture ! Passionné par la science-fiction, il signe aussi des romans de fantasy (La Lyre et Le Glaive) ou historiques (Sous le vent de la liberté). Les Oiseaux d’Argyl est un recueil qui réunit 27 nouvelles, dont quelques inédites, publiées entre 1974 et 2021. Poésie, fantastique, SF, amour, guerre, religion… Les textes font sourire, réfléchir, mais surtout : questionnent notre humanité et notre vision du futur.

 

 

Futurs, espace, humanité…

Au fur et à mesure qu’on avance dans le recueil, on sent une véritable évolution dans le style d’écriture de l’auteur dont les nouvelles sont réunies dans leur ordre de parution d'origine. D’histoires courtes, plus légères, aux enjeux personnels, on glisse petit à petit dans des questions de sociétés et de mœurs, dans la part d’ombre de l’humanité.


On croise des États bellicistes (La Guerre des riches), on y critique l’omniprésence du marketing (Fils de pube), on découvre comment un incident peut mener à une religion et changer la face du monde (Le Triptyque de Khor ; Ismaël, Estramaldur et la Destinée).

Il y a une vraie critique sociale qui se dessine dans l'œuvre de Christian Leourier, mais aussi une analyse de l'oppression : celle d'un gouvernement autant que celle que l’on s’impose parfois à nous même. Dans Toute chose à un prix, les corps se monnayent pour rembourser une dette jusqu’au dernier morceau de chair. Tandis que Le Syndrome de Fajoles, montre à quel point une découverte scientifique peut être utilisée, tordue et dénaturée pour servir une politique capitaliste. S’il se dégage une poésie palpable de Toi, du temps éprise et de La Sirène, on frissonne en comprenant le sens qui se cache derrière des textes comme Les Rats ou Un jour comme les autres.

Christian Léourier se permet aussi de réinterpréter des histoires populaires ou bibliques comme dans Blues pour un garçon perdu ou Le Dernier métro.

Mais s’il y a bien deux histoires qui justifient à elles seules l’achat de ce recueil, c’est bien celle qui lui donne son titre, Les Oiseaux d’Argyl, ainsi que Celui qui parle aux morts.

Dans la première, un homme seul s’écrase sur la planète Argyl, peuplée uniquement d’oiseaux, et se lance d’un combat solitaire et très personnel contre les deux vautours géants qui planent au-dessus de la carcasse de son vaisseau. Bien vite, cette quête de survie devient son obsession, son unique but, au point de le pousser à quitter l’abri rassurant de la tôle pour s’enfoncer dans les forêts de la planète. Petit à petit, l’homme rejette ce qu’il est, son statut, son passé, pour ne vivre plus que pour cet affrontement.

Dans la seconde, Helgin est abandonné sur une île que l’on dit être la proie des fantômes en punition d’un meurtre qu’il a commis. Pourtant, et contre toute attente, lorsque les hommes qui l'ont condamné reviennent à la fin de l’hiver, il est toujours vivant. Estimant qu’il s’agit là d’un signe que les dieux le protègent, ils le ramènent au village. Helgin devient petit à petit un prophète, Celui-qui-parle-aux-morts, car il les a côtoyés sur l'île et en est revenu. Ce statut va bouleverser petit à petit les croyances et les dogmes qui régissent la vie de son peuple depuis des siècles…

 

Voyage en terres inconnues

Les éditions Argyll nous avaient déjà enchantés avec Tonnerre après les ruines et La Cité diaphane, voilà une nouvelle réussite à leur palmarès ! Lorsque le lecteur referme ce recueil de nombreux sentiments émergent : crainte, doute, espoir, attente… Les futurs imaginés par Christian Léourier interrogent, ils extirpent nos ressentis les plus profonds pour nous mettre face à notre humanité. Dans toute sa faiblesse autant que dans ce qu’elle a de merveilleux.


Il y a aussi cette sensation de connaître intimement l’auteur, car rares sont ceux à parvenir avec autant de brio à transmettre autant d’eux même dans leurs textes. Ces avenirs et ces mondes qu’il dépeint, ce sont désormais un peu les nôtres. À nous, lecteurs, d’en tirer les leçons qui s’imposent.

Les Oiseaux d’Argyl est un voyage à découvrir aux éditions Argyll

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