- Des personnages humains et crédibles
- Un auteur visionnaire
Jacques Boireau est souvent considéré comme l’un des secrets les mieux gardés de la science-fiction française. Disparu du monde littéraire en 2001, il faudra attendre son décès, dix ans plus tard, pour découvrir un trésor de nouvelles inédites parmi ses affaires, dont le cycle de La Magie des îles, présent dans ce recueil. Touche-à-tout, aussi à l’aise avec l’uchronie que l’utopie ou la SF sociale, l’auteur livre des textes visionnaires, incroyablement en avance sur leur temps. Mais ce qui fascine le plus chez Jacques Boireau, c’est sa capacité à créer des personnages forts qui ne sont ni de jeunes élus promis à un brillant avenir ni des héros puissants et sans peur. Ses protagonistes sont ouvriers, paysans, voyageurs égarés, ses histoires des tranches de vie, des souvenirs, une ode au temps qui passe.
Le fantasme d’une France uchronique
Difficiles de croire que la plupart de ces histoires ont été écrites entre les années 1970 et 1990 tant elles sont modernes, aussi bien dans leurs thèmes que dans leur style, et d’une fluidité exceptionnelle qui ne sacrifie rien à la poésie. Les textes sont puissants, immersifs. Le lecteur plonge dans la vallée de la Dore, entre Ambert et Arlanc, aux côtés du père Anglade, aussi facilement qu’il arpente les rues de la Cité, étrange siège des adorateurs de Dayéthon, aux castes sociales rigoureusement définies, auprès de Jaufré.
Et que dire des Chroniques sarrasines ? Roman au cœur de ce recueil, qui fantasme une Occitanie occupée dès le VIIe siècle par les Arabes, donnant lieu à une France uchronique. On y trouve la Francie chrétienne, au nord, industrielle et moralisatrice. Au sud, l’Occitanie multiculturelle, qui vit au rythme lent de ses éoliennes. Pourtant, la paix entre leurs peuples est toute relative. Des voix s’élèvent pour demander que l’on chasse l’envahisseur arabe afin de réunir la France.
Une histoire très humaine, dramatique, captivante et poétique.
Un roman et des nouvelles
Il aurait été malheureux que Les Chroniques sarrasines et toutes les nouvelles réunies sous les chapitres La Baie des espérances et La Magie des îles soient oubliées dans un tiroir après la mort de leur auteur. La fiction française y aurait perdu des textes de talents, résolument engagés et presque prophétiques d’une France de science-fiction, divisée entre une industrialisation forcenée et une vision écologiste.
Les amateurs de fiction y trouveront un univers diablement original, des planètes insolites et des cultures étranges, tandis que les lecteurs engagés y verront une ode à la nature, à l’acceptation d’autrui et à la lutte contre l’oppression.
Une lecture salutaire et parfaitement d’actualité, à découvrir chez Les Moutons électriques.
