1.
| Déconnade, gorefest et second degré
Qui a dit qu'un film d'horreur devait obligatoirement faire peur ? Si certains long-métrages échouent à vous faire frissonner tout simplement parce qu'ils sont mauvais, de nombreuses oeuvres au contraire prennent le parti pris de vous faire rire, parfois jusqu'aux éclats, en utilisant pourtant un imaginaire qui devrait nous terrifier.
Que ce soit dans le mélange des tons, le détournement à l'absurde des codes du film horrifique, ou en versant dans le gore cartoonesque, vous trouverez ici trois films qui vous feront certainement passer une bonne soirée (on vous conseille des potes et de la bière en bonus).
Tokyo Gore Police (2008)
Réalisé par le fou furieux Yoshihiro Nishimura, Tokyo Gore Police s'inscrit dans une vague de films déjantés et gore au possible qui a explosé au courant des années 2000. Ici on laisse place aux idées visuelles les plus folles, et on les exécute quels qu'en soient les moyens. La place accordée au gore explose dans un festival de trouvailles plus tarées que ce que tout le cinéma a pu produire, preuve s'il en fallait que les japonais n'ont peur de rien.
Tokyo Gore Police se déroule dans un futur halluciné. Un homme a relâché un virus qui, sur les infectés, font se développer des excroissances difformes et dangereuses au niveau de leurs blessures. Ces êtres, appelés Engineers, sont la cible de la police qui a été privatisée et se comporte de manière ultra-violente pour les appréhender. Une jeune femme équipée d'un sabre, Ruka, va les assister dans cette mission tout en recherchant l'assassin de son père, qui pourrait bien avoir un lien avec l'apparition des Engineers.
Tokyo Gore Police est un film complètement fou qui met le gore à un niveau presque parodique (par exemple, une personne utilise le sang jaillissant de ses jambes coupées comme moyen de propulsion dans les airs), et propose des créatures mutantes incroyables, à base d'effets spéciaux pour la plupart à l'ancienne : latex et litres de faux sang pullulent dans un grand bordel aussi drôle que bizarre. Il s'agit bien sûr d'un genre de film particulier, mais les amateurs se régaleront. Et pour les plus curieux, on vous conseillera d'aller retrouver les autres petites pépites du genre : Meatball Machine, The Machine Girl, Zombie Ass, Dead Sushi et autres Mutant Girls Squad n'attendent que vous.
Slumber Party Massacre (1982)
En ces temps où le public se remémore le Texas Chainsaw Massacre avec la sortie du dernier et plutôt moyen Leatherface, la déconne dans les slashers naît elle aussi d'un titre similaire, inspiré par le succès du film de Tobe Hooper. Référencé dans son titre - parodique - la Slumber Party Massacre est un film de 1982 et l'un des rares métrages du genre à être proposé par un duo réalisateur/scénariste féminin, cassant la règle d'une école du cinéma d'horreur hautement dérangeants dans le propos de la frustration sexuelle masculine.
Slumber Party Massacre est en effet l'oeuvre d'Amy Holden Jones et de l'écrivaine féministe Rita Mae Brown. En 1982, le slasher existe depuis quelques années déjà, repompant allègrement les codes mis en place par le Halloween de Carpenter pour produire toute une série de clones dans l'explosion du directo-to-video dont profite un marché à l'époque saturé de VHS. L'énorme bulle, qui finira par exploser avec Douce Nuit, Sanglante Nuit deux années plus tard, aura généré des archétypes à ce point rigides qu'une parodie s'imposait, et deviendra ensuite légion pour rendre une armée de slasher spoofs, dont Slumber Party est l'un des (sinon le) premier représentant.
Loin d'être cependant aussi déconnant que les Scary Movie ou Tucker & Dale, le scénario est plus comique que le film lui-même. Remanié après que les studios en aient exigé un rendu plus sérieux, la parodie est ici à lire entre les lignes et le ton grincant de féministes qui abusent les codes d'un genre hautement freudien et cruel avec les légendaires scream queens.
Le film assume cette posture féminine en présentant les cibles du tueur en pleine soirée pyjama, douceur enfumée et discussions de lycéennes sur la vie sexuelle. Aussi riche en gags (les scènes de morts inventives où le tueur doit trouver des façons originales de tuer - ici il est équippé d'une vrille), Slumber Party a comme les autres représentants de son genre méchamment vécu le passage du temps, mais reste un plaisir rétro' assez formidable tant il embrasse les clichés et tics de son époque. Un bon délire à se refaire accompagné de potes, de bières, et de popcorn franprix.
Black Sheep (2006)
Nombreux sont les animaux effrayants à avoir servi de base pour le film horrifique. Les requins, serpents et autres araignées ne font pourtant pas le poids face aux... moutons. Aux moutons ? C'est en effet la proposition du réalisateur néo-zélandais Jonathan King qui s'empare de ces adorables bestioles, fort représentées dans son pays, pour en faire des bêtes assoiffées de sang suite à une expérience génétique, d'une compagnie scientifique aux intérêts obscurs, qui tourne très mal.
Black Sheep s'affirme donc en une belle comédie loufoque qui réussit avec brio à faire rire en retournant les codes du creature flick. Avec des personnages aussi bêtes que délirants, des effets spéciaux soignés (et à l'ancienne, s'il vous plaît), le voyage se veut aussi sanglant qu'irrévérencieux. On gardera surtout en mémoire une mémorable charge de moutons avides de chair fraîche, grand délire sanguinolent et dont je suis sûr que vous serez curieux de voir à la lecture de ces lignes.
2.
| Le gros slasher de circonstance
Qui dit Halloween se rappellera forcément le film éponyme de John Carpenter, qui a instauré son film parmi les plus grandes licences du slasher (qui désigne un film dans lequel un tueur va écharper une bande, généralement, de jeunes) avec la création de Michael Meyers, boogeyman qui n'a pas à pâlir devant Jason Voorhees ou Freddy Krueger.
Mais voilà, vous avez déjà vu tous les Halloweens, et d'ailleurs tous les slashers les plus connus.Dans l'embarras le plus total, vous tombez sur ce chapitre qui, par coïncidence la plus totale, vous propose trois slashers plus discrets, mais tout aussi agréables à regarder. La vie est bien faite, vous ne trouvez pas ?
Hatchet / Butcher (2006)
Au départ simple film devenu maintenant trilogie (avec en fait un quatrième opus en préparation), Hatchet nous emmène à la rencontre de Victor Crowley, un tueur implacable qui hante les marais de Louisiane dans lesquels il a vécu une histoire terrible étant plus jeune. Imposant, l'homme au faciès défiguré à décidé de tuer tous ceux qui oseraient se perdre dans son marais. Et il faut bien s'imaginer que la légende qui l'entoure attire bien des curieux...
Le projet Hatchet (appelé Butcher) a plusieurs arguments pour lui, le principal étant son personnage Victor Crowley qui a réussi à s'imposer comme nouveau boogeyman dans le cinéma horrifique moderne. Le personnage est en effet interprété par Kane Hodder, ancien catcheur qui a incarné Jason Voorhees de 1988 à 2001 pendant quatre films de la franchise Friday the 13th. Un gaillard impressionnant par sa carrure, et qui manie la hache comme jamais. Car Hatchet a parfois des allures de comédie, mais s'impose aussi de respecter les codes du slasher avec des mises à mort aussi sanglantes qu'imaginatives.
On tremble donc, un peu, on rigole aussi beaucoup, les personnages ayant un côté bis pas forcément voulu ; et comme d'autres films de cette sélection, c'est la volonté de son réalisateur Adam Green de faire de l'horreur à l'ancienne qui lui vaut toute notre sympathie.
The Prowler / Rosemary's Killer (1981)
Puisque si Slumber Party Massacre reste un film plutôt léger et fantasque, on n'oublie pas les véritables architectes de ce fantastique répertoire qui aura appris aux ado' à ne jamais se séparer quand un grincement secoue la maison, à ne pas louer de maisons installées sur d'anciens cimetières indiens, et à ne jamais devenir mono' de colonie de vacances si un lac est mentionné dans l'intitulé du poste. Prowler ou Rosemary's Killer, un classique des amoureux et l'un de ceux qui aura le mieux prouvé qu'on peut tout à fait copier tout en allant plus loin.
Parce que le film est le travail de Tom Savini, un nom qui résonne dans l'histoire du cinéma de genre en particulier. Savini, ancien photographe de guerre, sera devenu le responsable des effets spéciaux sur les films de Romero avant de rejoindre le slasher avec Vendredi 13 et de Texas Chainsaw Massacre 2. Si vous connaissez les films de Robert Rodriguez, Savini est aussi un ami du cinéaste pour lequel il a incarné Sex Machine dans Une Nuit en Enfer ou Osiris dans les deux Machete (entre autres).
Sur Prowler, Savini travaille avec Joseph Zito à copier un genre tellement rentable que chaque studio aura voulu sa ou ses versions dénaturées des idées originales de Carpenter. Le film assume un postulat surnaturel, un tueur à la fourche déguisé en soldat de la Seconde Guerre Mondiale, et la palanquée d'adolescents-chair à canon de circonstance.
Le film transpire l'hémoglobine, les jolis effets vraiment convaincants, c'est un classique du genre à ranger dans la catégorie des bons imitateurs, derrière My Bloody Valentine et Vendredi 13 6 (l'un des sinon le meilleur de la franchise).
All the Boys Love Mandy Lane (2006)
Mais le slasher s'écrit aussi au présent. Après que Wes Craven ait signé la série des Scream, réécriture post-moderne du genre, on l'a un peu délaissé au profits d'autres idées survenues au début des années 2000. Le zombie, le found footage, la possession qui s'est depuis durablement installée, ont rangé les couteaux et les adolescents à l'arrière des boutiques de DVD dont subsistaient à l'époque quelques représentants, et peu à peu, le slasher ne sortait plus qu'un bon film par an ou moins.
Mandy Lane est un de ceux là. Servi par une jeune Amber Heard encore inconnue, le film est ressucée du poncif des adolescents qui partent en vacances et se font sauvagement assassiner. L'originalité du film aura été de retrouver une manière de filmer propre aux tous premiers films du genre, en ne montrant pas le tueur plutôt que de chercher à l'iconiser. Fruit d'un joli boulot de mise en scène signé Jonathan Levine (qui a depuis fait Warm Bodies), le film est esthétique et plaisant à l'oeil, en plus d'épouser l'héritage laissé par Slumber Party de casser l'idée que le slasher méprise la femme.
Heard est formidable dans ce rôle et le film arrive à surprendre sur sa fin (un peu). Comme beaucoup de films empruntant à l'horreur depuis, il parle surtout de la transition du monde brutal des adolescents à l'âge adulte, et le fait de belle manière, avec un peu de cadavres laissés en chemin.
3.
| La séance de rattrapage 2017
Nous arrivons à la fin de l'année et vous n'avez peut-être pas eu le temps de suivre les bonnes sorties du cinéma d'horreur actuel, les énormes It et autres Annabelle mis à part. Qu'à cela ne tienne, terminons notre dossier par cette sélection de films (sortis au cinéma ou pas) qui ont eux aussi participé à démontrer que le film d'horreur est encore pertinent en 2017.
Grave / Raw
Grave, métrage franco-belge (youhou) de Julia Ducournau et l'un des meilleurs de cette année. Le film met en scène Garance Marillier dans le rôle d'une jeune étudiante vétérinaire, au sein d'une université morbide qui joue sur plusieurs tableaux. La découverte d'une identité sexuelle, le harcèlement scolaire, l'éducation, le passage à l'âge adulte (encore) et une certaine conception de l'alimentation - si vous avez des potes vegan, ils seront sans doute ravis - un ensemble assez complet et abouti dans son écriture qui ne prend jamais le spectateur par la main.
Grave est aussi une expérience esthétique. On parle parfois de "films d'aureur" dans cette catégorie, des oeuvres à ce point travaillées qu'on s'éloigne suffisamment des codes visuels classiques pour entrer dans cet entre-deux formidable où même l'intelligentsia peu accoutumée se surprend à apprécier l'immersion dans cette ambiance angoissante et crade, dont on ressort avec un sentiment de saleté collé à soi.
Assez parfait dans ses mouvements de caméras, ses couleurs et son travail sur le son (tout le monde n'appréciera pas, mais on est encore une fois sur le parti pris d'une auteure seule face à son sujet), Grave se passe honnêtement de commentaires. Parce que les plans sont travaillés, qu'on pose une ambiance en échographiant une pauvre vache perdue, parce que Garance Marillier danse devant sa glace comme jamais étudiante vétérinaire n'a dansé, c'est un excellent film et l'un des concurrents de l'année au titre de meilleur expérience de genre. Voilà tout.
- Corentin
The Void
Sorti au printemps dernier en VOD après avoir fait le tour des festivals, The Void est un film surprenant et ambitieux livré par Jeremy Gillespie et Steve Kostanski. Les deux trublions se sont démarqués en 2011 avec le très grindhouse Father's Day, mais accumulent un impressionnant CV puisqu'ils ont bossé pour les départements artistiques et des effets spéciaux de très grosses productions, avec à leur actif Pacific Rim, Crimson Peak, ou Suicide Squad. Et clairement ça se voit dans leur travail de l'image, de la lumière et de leur composition. Mais n'allons pas trop vite.
Difficile de trop en dire sur The Void, qui flirte avec de nombreux genres. Tout commence lorsqu'un shérif récupère un homme amoché sur le bord d'une route et le transporte à l'hôpital. Très rapidement tout dégénère : des silhouettes encapuchonnées entourent le bâtiment, un sinistre écho se fait entendre au loin, alors que tout le monde commence à ressentir une influence qui dépasse l'imagination et entraîne un déluge de péripéties auxquelles personnes ne peut s'attendre.
Entre l'horreur viscérale et le body horror à la Cronenberg et la folie cosmique des écrits de Lovecraft, The Void est un mélange de tons qui dénote par sa générosité et l'efficacité de sa démonstration. Le spectateur est emmené et, comme les personnages du film, a du mal à réaliser ce qui arrive. Mais l'angoisse et la tension ne se relâchent jamais. The Void est emmené par un cachet qui le fait largement sortir du lot des autres films de genre qui n'ont pas la chance d'être amenés au cinéma, avec une restitution impressionnante des abîmes célestes dans lesquelles on imagine se cacher les Grands Anciens. Une curiosité à découvrir absolument.
Get Out
Get Out, ou l'horreur sociale dans une Amérique qui n'oublie pas ses vieux démons encore debut. Voilà le second It, l'autre production Blumhouse qui aura fait du bruit et du pognon, suffisamment pour faire réfléchir tout le système à l'intérêt bête de faire de bons films pour peu d'argent, ce qui devrait donner suite même si l'adaptation de King vogue dans d'autres eaux.
Get Out raconte comment un héros noir part rencontrer les parents de sa fiancée, blanche. Et ce n'est pas un détail, le film transpire d'une atmosphère de seconde lecture où le propos, qui se transforme au cours de l'histoire, devient plus vil et plus tendancieux. Derrière cette idée toute bête, de transposer le racisme en un motif d'horreur (logique), le film est généreux. Beau, travaillé, porté sur les ambiances et un sentiment de malaise paranoïaque permanent, il évolue sous l'oeil acéré de Jordan Peele à la fois comme une critique des WASP faussement progressistes, de la nation américaine et de son incapacité à dépasser les couleurs, et comme un vrai gros travail de réalisation.
On aurait à reprocher au film de ne pas prévenir quand il rentre subitement dans le surnaturel, ou le crazy science is crazy, mais ce serait faire un reproche superflu à un résultat final assez formidable, là-encore vrai film d'auteur où les couleurs descendues et l'impression d'être suivi replongent dans une atmosphère à la It Follows. Histoire de rappeler que l'horreur, c'est aussi ça (et Ça).
- Corentin
En conclusion, on espère tout simplement que cette sélection saura occuper votre Halloween, ou n'importe quelle autre soirée. Et n'hésitez pas à nous faire part de vos propres préférences en matière de film d'horreur pas trop mainstream !