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The Men Who Laugh : Historique du Clown Tueur en Fiction

Par Corentin
20 septembre 2017
The Men Who Laugh : Historique du Clown Tueur en Fiction

Qu'ils s'appellent Pennywise, Twisty ou Ronald, les clowns monstrueux font aujourd'hui partie du bestiaire de l'horreur. Si pour beaucoup de gens la phobie de cette figure pourtant sympathique du spectacle de cirque est née avec Stephen King, elle est aujourd'hui le sujet d'authentiques études psychanalytiques et porte même un nom : clownophobie et coulrophobie, la pétoche des sourires figés, des ballons et pompons, sur laquelle la fiction en général n'a pas hésité pour bâtir certains de ses plus effrayants vilains.

Si vous avez vous aussi hésité à retourner dans la salle de bains après avoir pris conscience que Tim Curry était là dehors, quelque part, il se peut que la génération avant vous ait déjà été frappée de la même peur primale. Si King a en effet magnifié le concept du clown tueur d'enfants, la peinture des personnages d'Auguste ou Bozo en monstres inquiétants était déjà présente avant que l'écrivain ne crée le plus célèbre d'entre eux, donnant vie par la suite à ses propres héritiers peinturlurés et sadiques.

Pour la sortie du remake de It (Ça) qui traumatisera sans doute la génération d'après, l'occasion est donnée de se poser la question : pourquoi les clowns nous font ils peur, et comment les auteurs s'en sont ils emparés, avant même que la vie réelle elle-même ne donne lieu à ses propres créations macabres ? Venez, on va flotter.

The Men Who Laugh : Historique du Clown Tueur en Fiction
1 - Killer Clowns from History
2 - Le Cirque des Horreurs
1. | Killer Clowns from History

Dans l'entre deux-guerres, l'imaginaire américain développe l'idée du cirque comme un théâtre d'événements inquiétants. Boules de cristal, lanceurs de couteaux, sorciers vaudou rudimentaires et spectacle de monstres (Freaks de Tod Browning en 1932), un certain genre de cinéma, de comics et de feuilleton policier de série B, le pulp, intègre parmi d'autres lubies l'idée que se terrent sous les chapiteaux toute une batterie de bizarreries fascinantes et mystérieuses. 

Les crime stories ou detective stories font la part belle aux fantasmes du public sur les coulisses de ce spectacle vivant, encore très en vogue à l'époque, parmi lesquels le clown se fait déjà sa place.


A la même période, un roman de Victor Hugo traverse l'Atlantique sous la forme de bobines de nitrate : L'Homme qui Rit, adapté en 1928 par le réalisateur Paul Leni dans le contexte de l'expressionnisme allemand (pan ô combien important du cinéma européen, considéré comme l'inventeur du film d'horreur avec Le Cabinet du Dr. Caligari en 1920). 

Le roman et son adaptation racontent l'histoire de Gwymplaine, un enfant défiguré et condamné à sourire en permanence sous ses cicatrices, adopté par un carnaval de saltimbanques ambulant. Ce personnage dramatique inspirera l'un des premiers clowns sadiques - paradoxalement, destiné à la jeunesse - le Joker, de Bill Finger et Bob Kane en 1940. Ses interprétations seront nombreuses, et son évolution se fera en parallèle de la perception que le public se fait des clowns, ou plus généralement des tueurs, dans l'Amérique des décennies suivantes.


Dans la décennie 1970, le public du pays se fascine pour un autre genre de monstres que les créatures de l'imaginaire. Tandis que le Nouvel Hollywood présente Taxi Driver et Orange Mécanique, se développe en toile de fond une curiosité morbide pour les tueurs de la vie réelle. Débarrassé de l'optimisme de l'après-guerre, le peuple suit à la trace les enquêtes ouvertes sur les (nombreux) sociopathes de l'époque, ancrées aux téléviseurs des millions de foyers parcourant le pays. 

Si la plupart d'entre eux ont droit à un surnom proposé par les médias, on retrouve parmi les Richard Chase, David Carpenter ou Ricardo Caputo, un certain John Wayne Gacy, "the killer clown", un assassin dont on découvrira plus tard les activités de clown costumé dans différents spectacles pour enfants. Un traumatisme s'instaure dans l'inconscient du public, associé à la peur des enlèvements et séquestrations d'enfants. L'histoire de John Wayne Gacy donnera lieu à plusieurs ouvrages analytiques et fictionnels, ainsi qu'à un biopic en 2003, Gacy.


De son côté, la culture pop' va peu à peu se découvrir une envie de déconstruire les symboles de fête et les renvois à l'enfance. Tandis que le slasher s'amuse à mettre un tueur en série sur chaque fête du calendrier (Black Christmas, Halloween), le Poltergheist de Tobe Hooper utilise l'idée de la poupée tueuse, que reprendront plus tard les Chucky ou Slappy. Sorti en 1982, le film effraye par ce jouet, un clown en plastique proprement terrifiant, dont le rictus figé marquera les esprits. Les poupée tueuses futures seront pour la plupart inspirées du travail de Hooper, jusqu'à la Annabelle de James Wan

Cette idée de toucher au souvenir de l'enfant chez l'adulte inspire les premiers films de clowns tueurs. En 1988, le pas très sérieux Killer Clowns from Outer Space utilise ce genre de codes, puis en 1989, Clownhouse, plus réaliste, marche dans les mêmes pas. La même année, Jack Nicholson immortalise au cinéma un Joker plus tueur que farceur, avant que la chaîne ABC ne produise l'adaptation télévisuelle de Ça en 1990, confirmant sur la fin de la décennie la mort de l'imagerie du clown comme celle d'un simple amuseur d'enfants bariolé. 

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