Critiques

Tous les hommes : une Odyssée révolutionnaire

Par Mathieu - Matiou
5 min 20 mars 2023
Tous les hommes : une Odyssée révolutionnaire
On a aimé
- L'histoire d'une révolution !
- La qualité du Label et la fluidité de la lecture
- Le sentiment d'avoir lu un space opera unique et rafraichissant
On n'a pas aimé
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Le racisme est d’une absurdité sans nom. Voilà toute l’essence des œuvres d’Emmanuel Brault, celui qui de Grasset au Label Mu, étonne, choque et surprend à chacun de ses romans coup-de-poing et réflexifs. N’ayant pas lu ses deux précédents ouvrages, je me suis laissé convaincre par la qualité du label que je sais être unique au sein des littératures de l’imaginaire. M’attendant à recevoir une claque, voilà que je m’en suis pris deux. Ce roman est d’une force incroyable, un space opéra français, révolutionnaire, mêlant l’ancien et le nouveau dans une lutte acharnée contre les absurdités des discriminations systémiques, destructrices de pensées et empêchant les graines de pousser. L’humain naquit pour rêver, comme l’oiseau pour voler…

 

« Faire semblant de céder c’est céder tout de même »

 

Les Peaux rouges aux Pieds, et là surgit Alfred

 

Emmanuel Brault, juriste de formation, amateur passionné de rap français des années 90, déteste le manichéisme et reste irrésistiblement attiré par le concept du déracinement. De son premier roman « Les Peaux rouges » à « Tous les Hommes » en passant par « Walter Kurtz était à pied » (lui aussi paru chez le Label Mu), l’auteur s’intéresse avant tout à comprendre comment deux systèmes sociaux se confrontent, entre les Peaux rouges et les autres, les Roues et les Pieds et entre l’Humanité et le peuple d’Alfred. Le racisme ravage les consciences et les âmes s’en trouvent marquées à vif. Parti pris d’une science-fiction d’anticipation et intégrer à un vaste space opera d’échelle galactique et encore si peu exploré tant son originalité me fait rêver à d’autres histoires, ce roman est définitivement unique et frustrant. Je vous laisse ici le plaisir de savoir le pourquoi du comment, car le voyage en vaut la peine. Le racisme comme impasse et les étoiles comme horizon, d’un bond hydrogène à un autre à travers l’ombre, les graines révolutionnaires viennent à point à qui peut attendre.

 

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Les Peaux Rouges : un premier livre,
une première confrontation

 

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Walter Kurtz était à pied (deuxième roman) :
qu'est ce que la tolérance ?

 

« Consacre ta vie aux questions et tu obtiendras des réponses »

 

Ça déborde ! (Résumé du livre)

 

L’histoire nous est racontée du point de vue d’Astide, un homme ayant eu la chance de croiser la route d’Alfred et Vangelis, aux âmes déracinées et libres. Alfred est né sur Protos, une planète comme les autres, aux millions de têtes, une poussière parmi les milliards d’individus de la Fédération française. Mécano à bord du vaisseau Ulysse31 fonctionnant à l’hydrogène, Alfred connait les machineries vivo comme personne. Sauvé par son maître Vangelis, adepte du bam-bam, les deux amants continuent leurs missions de transport d’hydrogène pour le compte des Compagnons de la planète Charlemagne, le centre névralgique de la Fédération. L’hydrogène ou autrement dit « une des pièces essentielles du puzzle interstellaire », la principale source d’énergie et le garant de la Paix. Mais Alfred aspire à autre chose, à une autre citoyenneté, il veut changer un système sclérosé, profondément injuste et ignorant. C’est bien connu, l’ignorance est mère de tous les maux…

 

« Sachons être à la hauteur de cette cause qui nous dépasse »

 

Un space opéra rabelaisien

 

Ce livre transpire la passion pour la littérature, la poésie et la culture française ! De Rabelais à Rimbaud, de Mallarmé à Zola, de Charlemagne à Curie, Emmanuel Brault s’amuse avec les héritages, la langue française et l’histoire avec un grand H. Passionné par Star Wars, Star Trek ou encore Le Dévoreur de Soleil, je me suis laissé surprendre par ce space opéra selon Brault, unique en son genre... car il est français ! Il est donc révolutionnaire, cynique, bon vivant, transcendant et... romantique.

L’univers décrit est certes attirant mais la relation entre les trois hommes efface tout le reste : Alfred, le héros de cette histoire, Vangelis, son maître et amant et enfin Astide, l’apprentie Ulysse qui rêve de se brûler les ailes comme Icare. L’amour efface les craintes et les peurs, permet des bonds en avant et incite à la sagesse de la patience car le temps est père de vérité.

 

« Tout était possible à Rabelais » : Rabelais est la capitale de la planète Pandore (Pandora). La saga Avatar revient souvent dans les interviews d’Emmanuel Brault.

 

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 Toujours une très belle couverture par Kévin Deneufchatel

 

1789 raisons d'aimer ce roman

 

Rien ne m'avait préparé à autant aimer ce livre. L'univers, les personnages et les thèmes abordés sont autant de raisons d'aimer ce roman de ce label qui décidement nous réserve toujours de bonnes surprises. L'histoire est haletante, en mouvement, à charge contre un système qui doit changer,  une narration où opprimés et anciens oppresseurs sont aussi des amis et amants. Une nouvelle France voit le jour en 1789, une jeune République est née, une époque charnière, une rupture dans l'Histoire. Mû par une volonté de rompre les codes et les genres, Tous les Hommes étonne par ses révélations et ses rebondissements. Dérrière les discours et les promesses politiques, l'hypocrisie et la cruauté des réalités économiques échauffent les revendications, atteignant un point de non retour. La science-fiction braulienne clarifie l'esprit et l'entendement, la liberté est à portée de livres !

 

"Comme si toute ma vie avait tourné en cercles concentriques autour de cette grande idée."

 

Le son des quat’pattes résonnent encore après la lecture, longtemps après une fin qui m’a laissé sans voix. Emmanuel Brault est atypique par ses thèmes qu’ils abordent au sein d’un imaginaire créé au service de sujets qui nous dépassent et tant mieux. Le label Mu est définitivement absolu dans ses choix et cela me convient. Vous l’aurez compris, cette lecture est fortement recommandée. Ce monde ne fait que rêver, il approche de son début.

 

Lexique de l'imaginaire

Dolores Ombrage : Serait-elle à l'origine de la politique discriminatoire qui sévit au sein de la Fédération ?

Mû : Le nom du label viendrait-il de la Bande de Contre : "le mouvement - ou le Mû comme ils disent eux - est cette aptitude immédiate, cette disposition foncière à la rupture : rupture d'état, de stratégie, rupture du geste, décalage" (citation de l'excellent livre "La Horde du Contrevent" d'Alain Damasio, un autre classique)

Rabelais : "Témoignant d'un don prodigieux pour l'invention verbale dans ses romans parodiques Gargantua et Pantagruel, François Rabelais a donné à la langue française ses lettres de noblesse. « Guerre picrocholine  », « moutons de Panurge », « abbaye de Thélème », « Dive Bouteille » et « substantifique moelle » sont autant de traces que les aventures de ses géants ont laissées dans la langue." (Larousse.fr)

Space opera  : sous genre de la science fiction particulièrement prolifique en nombre de planètes inventées, une vaste idéogéographie au service de l'émerveillement et des altérités sociales et culturelles.

 

 

Syfantasy aime le label Mu...la preuve :

On a adoré Le Livre Jaune de Michael Roch

On s'est épris des Oiseaux du temps d'Amal El-Mohtar et Max Gladstone

On a  dévoré Aucune terre n'est promise de Lavie Tidhar

On a adoré suivre Walter Kurtz était à pied d'Emmanuel Brault

L'Âme du chien d'Antoine Ducharme

 

Où le trouver ?

Chez l'éditeur !

Les belles illustrations de l'artiste Kévin Deneufchatel

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